23 décembre 2000

Je n'ai pas arrêté de la journée. En ce moment, je vous écrit confortablement assis sur une vrai chaise de bureau, pour la première fois depuis cinq ans, devant mon bureau neuf, dans mon salon, juste derrière mon sofa neuf. Durant la journée, j'ai progressivement vidé mon boudoir de son contenu pour tout déplacer dans mon salon. Meubles, système de son, télé, ordinateur, et tout le câblage qui va avec (ouf...). Seul mon aquarium demeure dans le boudoir pour l'instant, mais ce n'est pas vraiment grave pour demain soir, sauf bien sûr si certaines personnes choisissent de rester à coucher, auquel cas le son de la pompe à air risque de les déranger un peu. Mais bon, une pompe, ça se débranche. Et il reste si peu de poissons dans mon aquarium, qui étouffe encore d'ailleurs sous les algues, que l'effet d'une nuit sans aération sur le taux d'oxygène dans l'eau sera à peu près nul. Pour ce qui est de mon salon, le résultat final me plait. Pas le gros luxe, mais très présentable. De toute façon, le luxe, ce n'est pas moi. Tous ceux qui ont vu de leurs propres yeux comment je vis depuis huit ans savent de quoi je parle.

Il est d'ailleurs fort heureux que j'étais occupé à ce point aujourd'hui, car ça n'allait pas. Mais alors là pas du tout. J'avais tellement les émotions à fleur de peau... Tout à l'heure, j'ai eu les larmes aux yeux de façon presque continue pendant deux heures en écoutant un conte de Noël. Et un moment donné, pour la première fois depuis plus d'une décennie, j'ai littéralement éclaté en sanglots. Je n'en pouvais plus, c'était trop. Je me sentais tellement seul, isolé, abandonné. Ces temps-ci, ma vie n'est plus que malheur, entrecoupée de quelques périodes de répit, de bien-être, comme ce jeudi après-midi au travail. J'ai beau penser et penser et penser, je ne trouve rien ni personne qui pourrait combler ce vide. J'ai passé la soirée d'hier chez Copine avec certains membres de la petite gang, dont Lolita entre autre. Mais encore une fois, je ne pouvais que réaliser ce que je sais déjà depuis fort longtemps: ils sont tous très gentils, très accueillants, mais je ne me sens tout simplement pas à ma place parmi eux. Je sais que c'est terriblement triste à dire, mais je ne peux continuer à me mentir à moi-même. Je me sens si désespéré ces temps-ci que je cherche à m'accrocher à n'importe qui et n'importe quoi.

Et encore une fois, je me retrouve devant un grand vide...

Cependant, je m'en voudrais de passer sous silence les deux belles heures (les seules belles heures) de la journée d'hier que j'ai passé en compagnie de quelques collègues de travail, les seules personnes avec qui je me sens vraiment bien ces temps-ci. Le but de ce dîner: revoir France, qui revenait passer le temps des fêtes dans sa famille.

Je ne peux décrire ce que j'ai ressenti quand je l'ai vu arriver dans le restaurant, arborant ce large sourire qui me faisait toujours craquer. C'était vraiment comme une bouffée d'air pur. Les mots me manquent toujours pour parler de France. Ce que cette femme peut dégager transcende toute description. Peut-être était-ce ma mémoire défaillante, mais elle me paraissait encore plus belle, encore plus radieuse. Le deux heures passées en sa compagnie furent un pure délice, un délice dont j'avais tellement besoin. Mais malgré cela, je ne pouvais m'empêcher de ressentir un pincement au coeur chaque fois que je l'entendais échanger avec une de ses copines à propos de tout ce qu'elles avaient de planifier durant le temps de fêtes. Pas une seule soirée de libre. Réalise-t-elle vraiment la chance phénoménale qu'elle a d'être si désirée, si recherchée de tous, d'avoir auprès d'elle quelqu'un pour qui elle est tout, et avec qui elle peut tout partager ? Et ce sans parler de sa famille.

Ma famille à moi, j'y pensais beaucoup aujourd'hui. Je n'ai aucun conflit avec eux. Mais j'ai réalisé qu'avec les années, ils sont devenus presque des étrangers pour moi...

Je sais. France a choisi la vie qu'elle a. Tout cet amour qui l'entoure, c'est elle-même qui l'a tissé au fil des années.

Quand à moi, je n'ai réussi qu'à tisser la corde avec laquelle je me suis pendu.

J'ai promis à France que j'allais lui rendre visite l'été prochain. Et je me fais cette promesse à moi-même: je n'apporterai pas mon malheur avec moi durant ce voyage.

France, tu es encore plus belle que la dernière fois que l'on s'est vu. Je ne croyais pas cela possible.

Je reçois demain, pour le réveillon. Bien sûr, je ne m'attend pas à voir beaucoup de monde. La plupart des gens ont déjà quelque chose dans leur famille. Mais il y a néanmoins quelques personnes du groupe qui, comme moi, fête Noël dans leur famille le 25 décembre, et qui m'ont déjà confirmé leur présence. Ce matin, mon humeur faisait que je n'avais vraiment pas envie de voir personne au réveillon. En ce moment ça va un peu mieux, et j'anticipe cette soirée avec un peu plus d'enthousiasme.

Ces montagnes russes émotionnelles sont en train de me rendre fou. Combien de temps vais-je encore endurer cette souffrance avant de me décider à y faire quelque chose ?

Je suis quand même assez satisfait de la besogne que j'ai abattu aujourd'hui. Tout ce qu'il me reste à faire, c'est nettoyer mon comptoir et mon évier de cuisine, faire le ménage de ma salle de bain, pelleter l'entrée, et monter mon arbre de Noël. De quoi m'occuper suffisamment demain pour m'empêcher de trop penser.

Je vais maintenant retourner dans ma cage qui, depuis aujourd'hui, est un peu plus dorée qu'avant. Comme je risque de ne pas écrire demain soir, j'en profite pour vous souhaiter ce que je n'aurai probablement pas cette année. À vous, mes lecteurs et lectrices, je vous souhaite de passer le plus merveilleux temps des fêtes de votre existence. Que cette fête de Noël vous comble de chaleur humaine, de bonheur et d'amour. Puissiez-vous en profiter pleinement, et en savourer chaque seconde, chaque instant magique.

Je vous aime tous. C'est ce qui est merveilleux avec l'amour. On peut toujours trouver la force d'en donner, malgré tout, si on le veut vraiment.


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