18 mai 2000

Pleine lune. Habituellement accompagnée de cette familière tourmente émotionnelle.

Mais pas cette fois. Étrange...

Même que je dirais que cette journée a plutôt été caractérisée par une absence d'émotion. En fait j'avais surtout envie de dormir, ce qui m'arrive assez souvent par un temps aussi maussade. Inutile donc de préciser que ce ne fut pas une journée très productive au travail.

Quoi qu'il en soit, ce genre de "congé d'émotion" est très apprécié, surtout ces derniers temps.

J'ai reçu plusieurs courriels depuis quelques jours, tous positifs. J'en suis très heureux, mais surtout étonné. À vrai dire, je ne m'attendais pas à ce que le récit de mes jours puisse intéresser qui que ce soit. Et pour être franc, depuis un certain temps, il ne m'intéressait plus moi-même.

C'est bien dommage de penser ainsi, me direz-vous. Et vous avez tout à fait raison. Nous vivons à une époque qui ne valorise que l'extraversion. Nous sommes bombardés du matin au soir d'images de jeunes athlètes dynamiques, actifs, réussissant sans peine à concilier la pratique de mille activités diverses avec leur vie sociale, professionnelle et familiale. Nous en venons donc à croire que c'est ça, une vie bien remplie.

Et les introvertis, eux ? Qu'en est-il de ces êtres dont l'existence se vit à l'intérieur ? Qui au lieu d'essayer de battre un record olympique préfèrent gravir la montagne lentement, s'arrêtant toujours pour sentir les fleurs, écouter le vent, contempler la magnificence du paysage qui s'offre à leurs yeux, se perdre dans cette immensité qui les entoure ? Qui peuvent s'étendre des heures au soleil, sans musique, sans livre, se contentant simplement du chant des oiseaux et de l'eau dans la rivière ? Qui ne se lassent jamais de contempler le doux visage endormi de leur bien-aimé(e), d'entendre le son de sa respiration, de sentir la caresse de son corps ? Qu'en est-il de ceux qui créent des univers entiers dans leur tête ?

Ils en viennent à croire qu'ils sont en train de perdre leur temps, de gâcher leur vie. Ils en viennent à croire que leur existence est fade, ennuyante, vaine...

Et ce soir, en relisant mon journal et en prenant connaissance des courriels que j'ai reçu, je réalise soudain qu'il n'en est rien.

Merci de me sauver la vie. Ou plutôt: de sauver ma vie.

La pleine lune s'est levée au dessus des montagnes. Sa lumière encore timide illumine les rides du lac. Les grenouilles, quand à elles, chantent, indifférentes à ce spectacle. J'aimerais tellement avoir quelqu'un près de moi pour partager ce moment.

Finalement, je crois que j'ai parlé trop vite tout à l'heure. Il semblerait que cette pleine lune, en fin de compte, exerce son influence sur une partie de mon être. La libido, vous connaissez ?


[jour précédent] [retour] [jour suivant]