23 novembre 2000

Le lac est complètement recouvert d'une couche de glace opaque et blanche.

L'an passé, à peu près à la même date, les conditions idéales avaient permis au lac de geler de façon à ce qu'il soit recouvert d'une belle couche de glace parfaitement transparente. Par un bel après-midi ensoleillé où j'avais pris congé, je suis allé marcher quelques heures à la surface de cette nouvelle glace. Celle-ci n'était pas encore très épaisse, et je courrais le risque de passer au travers et de prendre un bon bain. Voilà pourquoi je ne m'éloignais pas du bord, restant toujours en eau peu profonde. J'avais réellement l'impression de marcher sur une immense plaque de verre qu'on avait posé sur le lac, c'était absolument fascinant. Quelques fois, lorsque la minceur de la glace m'inquiétait un peu trop, je préférais me coucher sur le ventre sur cette surface transparente, pour mieux répartir mon poids, et j'examinais le fond du lac parfaitement éclairé par le soleil qui brillait. Je pouvais aisément voir tous les détails du fond, les plantes aquatiques, les quelques rochers qui émergeaient de la surface de la vase, les débris végétaux de toute sorte. Par contre, je ne voyais aucun poisson. J'aurais bien aimé avoir d'autres occasions d'explorer systématiquement toute la surface du lac pour trouver où ils se cachent à cette période de l'année.

Le point culminant de cet après-midi fut l'instant où, alors que je me tenais immobile debout sur la glace tout en regardant vers l'horizon, un mouvement à mes pieds attira mon attention. Je baissai les yeux pour voir un gros rat musqué bien dodu me passer entre les jambes en nageant juste sous la surface de la glace. Alors que je rageais d'avoir encore une fois négligé d'apporter mon appareil photo avec moi, le petit rongeur s'immobilisa, les quatre pattes écartées, et tourna à peine la tête pour regarder derrière lui. De toute évidence il tentait de m'examiner, de savoir ce que j'étais et si je représentais une menace pour lui. Apparemment, il se sentait en relative sécurité sous l'épaisse couche de glace, car il demeura ainsi une bonne minute à m'observer, laissant occasionnellement s'échapper une petite bulle d'air de son museau. C'était absolument mignon à voir. Quand à moi, je me délectais de ce spectacle que la nature daignait m'offrir une fois de plus, n'osant faire un geste de peur d'effrayer le petit animal.

Finalement, sentant probablement qu'il arrivait au bout de son souffle, il reprit sa nage rapide en direction la source du lac, que la glace n'avait pas encore emprisonnée, et où il pourrait faire surface.

Et moi, un an plus tard, j'ai gardé en mémoire le souvenir de cet instant ou deux êtres totalement différents, et pourtant si semblables, l'espace de quelques instants, prirent une pause dans leur courtes existences pour satisfaire leur curiosité, s'observer mutuellement et, qui sait, peut-être se poser les même questions...


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