28 novembre 2000

Je suis en deuil ce soir.

Mon néon est mort.

Sans entrer dans les détails, je savais qu'il était malade depuis quelques semaines. Depuis deux jours il ne mangeait plus. Ce matin, il reposait dans le fond de l'aquarium. Pas sur le côté, mais bien droit, bien fier. Il respirait lentement. Il ne bougeait pas, mais il réagissait à ma présence. Je voyais ses petits yeux suivrent mes mouvements.

En rentrant du travail ce soir, il était mort. Il s'était retiré dans la petite grotte de pierre que j'avais aménagé pour mon khuli (mais qu'il n'a jamais adopté) pour rendre l'âme.

Je sais que je fais sans doute toute une histoire pour la mort d'un poisson. Mais je n'ai jamais juger de la valeur d'une vie en fonction de l'espèce à laquelle elle appartient. Et d'ailleurs, sa courte existence me fait réfléchir sur la mienne.

Mon néon a-t-il eu une bonne vie ? Il est né dans des élevages destinés aux animaleries. Il n'a jamais connu les eaux troubles des affluents de l'amazone dans lesquelles ses semblables pataugent depuis des millénaires. Quelques jours après l'avoir acheté, il a développé une maladie presque toujours mortelle chez les membres de son espèce. La littérature recommande de sacrifier les sujets atteints dès les premiers symptômes pour ne pas risquer de contaminer les autres. J'ai plutôt choisi de l'isoler, de le soigner, de m'occuper de lui, de tenter le tout pour le tout. Et ça a marché. Il a survécu, il a guérit. Il a vécu plus longtemps que tout ses semblables. Il était le seul de son espèce dans mon aquarium durant la dernière année.

Mais était-ce une bonne vie ?

C'est vraiment drôle. Lorsque je me lève le matin je suis en hiver. La blancheur couvre le lac, les pelouses et les montagnes. Celles-ci étaient absolument magnifiques aujourd'hui. La lourde neige mouillée s'accrochaient aux branches des arbres, transformant les sommets en boules de ouates qui contrastaient à peine sur la blancheur du ciel.

Et lorsque j'arrive en ville pour mon travail, je suis en automne. Les pelouses sont nues, les arbres dégarnis. Pas une trace de neige.

Lorsque je reviens ici le soir, je suis de retour en hiver.

Cet étrange contraste ne durera pas encore très longtemps.

Invitation de Cousine ce soir. Elle veut que je descende avec elle à Montréal en fin de semaine. Elle va visiter une amie. Ça me changerais les idées, mais je suis hésitant. Pourquoi ? Parce que je suis moi, bien sûr. Je suis toujours hésitant. Mais je me soigne. Je n'ai vu cette amie qu'une seule fois par le passé. Elle me plaisait beaucoup. Mais comme de raison, elle avait un conjoint. Mais plus maintenant, apparemment, selon les dires de Cousine.

Je refuse d'espérer encore une fois.


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