5 octobre 2000

C'est incroyable à quel point les couleurs de la saison ont soudainement éclaté en fin de semaine ! Presque du jour au lendemain, toutes les montagnes par chez moi se sont parées de leurs plus beaux coloris. On ne peut imaginer plus beau contraste de couleur que les tons de rose, orange, rouge et jaune du feuillage en avant plan d'un ciel d'automne d'un bleu immaculé...

Je me sentais bien aujourd'hui. Même très bien par moment. Je pouvais penser sans souffrir, penser au présent, penser à l'avenir. J'étais même particulièrement taquin et blagueur, sans aucune raison particulière, simplement parce que j'étais heureux d'être libéré, ne serait-ce que temporairement, de cette souffrance.

J'ignore pourquoi, mais la seule et unique bière que j'ai bue au restaurant ce midi m'a donné un mal de tête qui m'a duré tout le reste de l'après-midi, et qui commence tout juste à s'effacer. Je ne supporte définitivement pas la boisson. Ce n'est pourtant pas la quantité, il m'arrive souvent de prendre une bière en fin de soirée sans aucun effet secondaire fâcheux. Enfin, un autre des nombreux mystères de la vie...

Ma relation avec Copine n'est vraiment plus très saine. Nous devions partir en voyage pour trois jours avec quelques amies, qui se sont désistées l'une après l'autre dans le courant de la semaine. Alors ce soir nous nous sommes retrouvé tous les deux seuls pour partir. Et comme je vous l'ai déjà dit, je ressens maintenant toujours un malaise à l'idée de me retrouver seul avec elle.

Pourquoi ce malaise envers elle ? Plusieurs raisons je le crains, raisons que j'ai de la difficulté à m'avouer à moi-même. Premièrement, je sais qu'au fond de moi je la tiens responsable de ma crise d'angoisse du printemps, et ce à tort ou à raison. Et depuis ce temps j'ai toujours peur qu'à chaque fois que nous parlons et qu'elle est un peu déprimée ou qu'elle pleure, je vais retomber dans cet état. Difficile de se sentir bien avec quelqu'un qui nous fait peur...

J'ignore dans quelle mesure le fait que nous ayons commencé à coucher ensemble l'an passé a joué dans ce malaise. Pendant les trois premières années où nous nous sommes connus, j'étais toujours bien avec elle. J'avais toujours envie de la voir, d'être en sa compagnie, de faire des activités de plein-air avec elle. Mais je ne la désirais pas, je ne l'ai jamais désiré. Je la voyais comme une soeur. Et bien que nous avions beaucoup de plaisir durant nos ébats, après je me sentais toujours mal, comme si j'avais commis un inceste. Nous n'avons plus d'activités sexuelles maintenant. Nous avons mis fin à cela d'un commun accord. Elle m'a affirmé qu'elle comprenait et acceptait cela. Et pourtant j'ai commencé à paranoyer. Derrière chaque remarque, chaque geste à mon égard, chaque invitation à aller prendre un verre chez elle, je sentais une tentative de m'attirer dans son lit. Et malheureusement il en est encore ainsi même aujourd'hui. Elle a évidemment senti mon éloignement, et cela se sent dans ses commentaires, dans ses remarques pleines de sous-entendus. Ça devient malsain. Il y a trop de non-dit entre nous maintenant, alors qu'avant notre relation reposait sur la plus totale franchise. Nous nous sentions totalement bien et libre l'un avec l'autre. Et ce n'est plus le cas maintenant.

Nous avons chacun du tort là-dedans. En ce qui la concerne, elle a changé. Elle n'est plus la Copine que j'ai connu. Elle est devenue amère, cynique. Je crois que sa relation avortée de ce printemps avec un bref amant est davantage responsable de cette transformation que ce qui a pu se passer entre nous. Mais je crois qu'elle ne s'en rend même pas compte.

Une amitié qui bat de l'aile est encore plus lourde à porter qu'un amour qui fait de même. Pourquoi ? Parce que dans notre société, on n'est pas prisonnier de l'amour. Les couples se forment, les couples se brisent. C'est normal, courant et accepté. Lorsqu'on n'est plus heureux avec notre amoureux on le quitte. Et personne ne nous le reproche, au contraire. On nous félicite même parfois d'avoir pris une telle décision, d'avoir fait montre de courage et de maturité en choisissant de refuser de continuer à souffrir et à faire souffrir l'autre dans une relation devenue malsaine. Mais quand c'est une relation d'amitié qui est devenue malsaine ? Dans notre société, on ne "quitte" pas un ami. Ça ne se fait tout simplement pas. On se fait accuser d'avoir été hypocrite, d'avoir profité de l'autre. On se fait accuser de nous débiner, d'abandonner nos amis dès qu'ils sont dans le besoin où qu'ils passent des moments difficiles. Dans notre société, abandonner un ami est perçu de façon aussi négative que le fait d'abandonner un membre de sa famille ou un de ses enfants. On est perçu comme un lâche, un salaud, un monstre.

Mais tout cela est purement académique. Ma première intention n'est pas de "quitter" Copine. J'aimerais simplement retrouver la relation que je vivais avec elle avant. Cette relation dans laquelle nous étions bien tous les deux. J'aimerais retrouver l'amie et la confidente avec qui j'avais envie de tout partager.

Je suis si heureux que ma relation avec Lola n'ait jamais dégénéré de la sorte. Je ne me suis jamais senti prisonnier de notre amitié. Nous nous aimons, tout simplement.


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