29 octobre 2000

Confortablement (!) assis par terre, devant mon ordinateur, télé et radio éteints, emmitouflé dans ma robe de chambre, une bonne tasse de chocolat chaud à mes côtés, j'entreprend d'écrire le compte rendu de ma soirée de samedi.

Plusieurs qualificatifs me viennent en tête... intrigante ? bizarre ? envoûtante ? magique ? Un peu de tout cela, je dirais.

En fait, cette soirée s'annonçait plutôt mal. Depuis le matin que je stressais en y pensant. J'avais peur de paraître ridicule, peur que mon costume ne soit pas à la hauteur car, ayant travaillé tous les soirs cette semaine, j'avais dû improviser à partir de ce que j'avais déjà chez moi, et toutes sortes d'autres petites peurs aussi ridicules les unes que les autres. De plus, ayant rejoint Copine au téléphone dans le milieu de l'après-midi pour faire les dernières mises au point, quelle ne fut pas ma (très désagréable) surprise d'apprendre que chacun devait amener quelque chose pour contribuer au souper (ma part étant d'apporter une soupe pour huit personnes) mais que, à cause d'un malentendu, je n'étais absolument pas au courant de ce fait. Et il me restait à peine quelques heures pour tout préparer ! Il n'en fallut pas davantage pour que mon angoisse monte d'un cran, et que je commence à imaginer toutes sortes de scénarios apocalyptiques. Après une rapide visite au supermarché du coin, j'ai finalement improvisé à la hâte une crème de poireau qui, je l'espérais, allait plaire à tout le monde.

Arrivé sur place, je me suis détendu un peu, mais pas beaucoup. L'atmosphère était bizarre, et le fait que la plupart des invités portaient des déguisements plutôt pittoresques (lors de la distribution des rôles plus tôt cette semaine, plusieurs hommes avaient pigé un rôle féminin, et vice versa) et semblaient se sentir très à l'aise dans la peau de leur personnage ne m'aidait pas à relaxer. Même si je commence à les connaître de plus en plus, j'ai encore de la difficulté à me sentir vraiment à ma place parmi eux.

Mais tout au long des heures qui suivirent, une lente transformation s'opéra. L'atmosphère ludique, la bonne musique et le vin aidant, j'ai commencé à laisser libre court à un côté de moi que la plupart de ces nouveaux amis n'avaient encore jamais vu, incluant Copine, et que je n'avais moi-même pas eu l'opportunité d'exprimer depuis bien des années. Ils connaissaient tous le Laqk intellectuel, le Laqk amateur de plein-air, le Laqk naturiste, mais aucun n'avait encore vu le Laqk chic (mon personnage était un espion séducteur à la James Bond, un véritable rôle de composition pour moi...), le Laqk qui danse (et très bien même, selon les dires de Lolita), le Laqk qui peut s'éclater avec une perruque blonde sur la tête... Plusieurs d'entre eux (particulièrement Copine et Lolita), semblèrent très surpris (agréablement je l'espère), de découvrir ce nouvel aspect de ma personnalité que, je dois l'avouer, je garde en veilleuse depuis trop longtemps.

Quand à moi, alors que la soirée était plus avancé, je me sentais comme je ne m'étais pas senti depuis bien des années. Pour la première fois depuis que l'angoisse me tenaille, je me sentais bien, libre, totalement absorbé par l'instant présent, savourant chaque seconde de bien-être. J'étais totalement ouvert, ne rejetant aucune proposition, aucun style de musique, aucune invitation à danser. J'aimais cette ouverture, j'aimais ceux avec qui je la partageais, et je m'aimais moi-même. J'étais bien, vraiment bien, mieux que je ne me suis jamais senti depuis ce qui me semble être une éternité.

Et apparemment, ça ne passait pas inaperçu.

Lolita, en particulier, ne m'avait jamais porté autant d'attention qu'hier soir.

Plus tard en soirée, ayant commencé à nous asseoir en rond sur le sol, elle suggéra de mettre une musique d'ambiance (genre new age) et de faire toutes sortes de trucs "zen", comme de tous nous prendre par la main et de faire une chaîne d'énergie, ou de nous faire des massages les uns les autres sur des points d'acupuncture, etc. Inutile de dire que bien que tout le monde se prêtaient sans trop de réticence à ce genre d'exercice plus ou moins ésotérique, il ne fallait souvent qu'une petite remarque anodine pour déclencher l'hilarité générale. Ceci évolua finalement en une séance de massage de mains et de pieds, deux par deux. Ma partenaire était Lolita. Une bouteille d'huile à massage parfumée apparut bientôt au milieu du groupe. Pour la première fois depuis longtemps, je sentais finalement une réciprocité avec une femme qui m'attirait, un plaisir mutuel et partagé de toucher l'autre. Mes mains étaient les bienvenues partout sur sa peau, elle savourait pleinement la caresse de mes doigts. Et il en était de même pour moi.

Cette séance de méditation kynestésique se termina avec un commentaire de Lolita, qu'elle lança en me regardant droit dans les yeux:

- Il faut absolument penser à apporter une bouteille d'huile de massage cet hiver durant notre voyage dans le sud, ok ?

Vers deux heures du matin (heure normale), alors que nos hôtes commençaient à montrer des signes évidents de fatigue, Lolita proposa de mettre quelques "slow" pour terminer la soirée. Je lui tendis la main, timidement, en la regardant dans les yeux. Mais elle avait déjà reçu une invitation de JG, un de nos amis, pour qui nous l'avons toujours soupçonné d'avoir un faible.

La musique pris fin, et au commencement de la chanson suivante, Lolita s'avança vers moi, avec un sourire, et me tendit la main...

Les mots ne peuvent décrire les minutes qui suivirent. L'odeur de ses cheveux, la caresse de sa joue contre la mienne, la douceur de sa peau sous mes doigts, la chaleur de son corps contre le mien... cette longue caresse s'étirant dans un instant figé dans le présent par le temps qui s'était arrêté.

Mais toute bonne chose a une fin. Et alors que nous quittions tous les uns après les autres, je lui fit la bise une dernière fois avant de partir. Mais cette fois fut différente des autres fois. Ma main s'attarda davantage sur sa taille, son sourire fut plus franc, son regard plus lumineux...

Je ne me fais pas d'illusions au sujet de Lolita. Elle s'intéresse plus qu'elle ne veux l'avouer à JG, qui lui même s'intéresse beaucoup à elle (comme c'est le cas de plusieurs autres hommes d'ailleurs dans notre cercle d'amis). Elle est seule depuis cinq mois maintenant. Elle n'a aucune intention de s'engager à court terme dans une autre relation sérieuse. Elle tient à sa liberté. Je la comprend.

Mais si elle tient tant à sa liberté, n'est-ce pas parce qu'elle a l'intention d'en profiter pleinement ?


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