11 septembre 2000

En sortant du bureau en fin de journée, je passais comme d'habitude dans le sentier qui me conduit à ma voiture lorsque j'ai entendu quelque chose bouger et s'éloigner dans les buissons. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs. À plusieurs reprises cet été j'ai entendu la même chose, et toujours au même endroit. Je soupçonne qu'il s'agit d'une marmotte qui a creusé son terrier près de là mais cette fois je voulais en avoir le coeur net. Je suis resté totalement immobile quelques minutes, à l'écoute, mais n'entendant aucun son, je me suis avancé lentement à travers les buissons, pour entendre immédiatement la petite bête détaler. Je n'ai jamais réussi à la voir, et mes investigations n'ont révélé aucun terrier. Par contre, j'ai découvert pas moins de huit escargots aussi gros que des pièces de vingt-cinq sous, en train de se régaler des feuilles mortes d'une tige de grande bardane en fleur.

Comment comment ? Laqk qui qui nous parle des fleurs et des ti zoiseaux ? Ce pourrait-il que sa crise de déprime soit terminée ?

Terminée, c'est un bien gros mot. Disons que je reprend le dessus. J'arrive à ne pas y penser la plupart du temps. La discipline d'esprit dont je me suis doté pour régler les problèmes d'insomnie dont je souffrais il y a plusieurs années m'aide en ce sens. J'ose espérer que mes problèmes d'humeur obéissent aussi à une certaine logique et que, cette rechute étant moins intense que les autres, elle sera aussi moins longue.

Mais cela ne règlera pas le problème, bien sûr.

J'ai déjà fait deux rechutes à date.

Et selon toute logique, il y en aura d'autres.

C'est exactement comme les tremblements de terre. La pression s'accumule, s'accumule... jusqu'à dépasser la résistance de la croûte terrestre, et bang, c'est le séisme.

Le processus se continuera indéfiniment tant que les mouvements des plaques tectoniques n'auront pas cessé.

Ces dépressions à répétitions ne sont pas une maladie, elles sont un symptôme. Un symptôme de quelque chose de plus profond, de plus fondamental. Quelque chose qui fait monter la pression très lentement, mois après mois, année après années. Mon cerveau compense autant qu'il peut, mais éventuellement il craque, mes neurotransmetteurs se dérèglent, et je m'effondre.

Avec du recul, je réalise maintenant que cette pression qui monte se manifeste en moi, même dans mes périodes de bien-être.

Au fil des années, je me suis conditionné un ensemble de processus mentaux malsains. Et au fil des années, ces réflexes de pensée me minent peu à peu.

Je suis presque à reconstruire de la cave au grenier.

Mais je reprend espoir.


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