12 septembre 2000

La frontière entre le bien-être et le mal-être ne doit pas être uniforme. Elle doit plutôt ressembler à la surface d'une mer houleuse. Je suis en train d'émerger, mais je ne suis pas encore à la surface, et à l'occasion j'avale quelques tasses d'eau.

Le soleil m'a salué aujourd'hui, et ce malgré le temps couvert, humide et pluvieux. J'ai deviné sa ronde silhouette entre les nuages alors que je revenais du travail. Lui aussi semblait émerger d'une mer houleuse.

Je crois que je réalise certaines choses aujourd'hui.

Il y a longtemps que je me rendais compte que je ne prenais plus plaisir à la vie comme avant. Peu importe l'activité que je pratiquais ou les personnes que je fréquentais, j'avais toujours l'impression que quelque chose manquait, que pour une raison quelconque, ma passion pour la vie n'était plus aussi forte qu'avant. J'essayais de ne pas trop m'en faire, mettant cela sur le dos de la vieillesse, me disant qu'on ne peut probablement pas garder notre coeur d'enfant pour toujours...

Je crois que j'avais tort.

Cette perte de saveur de la vie n'est pas le fruit du passage du temps. Je crois plutôt que j'en suis indirectement responsable. Je crois qu'elle est le résultat de plusieurs années de conditionnement négatif de ma part.

Voyez-vous, je n'ai jamais eu le droit d'aimer. Toute les fois où j'ai osé m'abandonner à l'amour, la vie me l'a fait payé très cher. Et je me rappelle bien, chaque fois que je pratiquais une activité entre amis par exemple, que je me disais toujours des choses du genre "c'est agréable, mais ce serait tellement mieux avec une blonde".

Ce pourrait-il qu'après des années et des années à me répéter des choses semblables, j'en sois venu à programmer mon cerveau à ne plus rien aimer, à ne plus prendre plaisir à rien, à ne plus pouvoir savourer quelque moment de la vie que ce soit à moins qu'il ne soit partagé avec l'hypothétique "blonde" ?

Je crois que j'ai un gros travail de déprogrammation à faire.

Il y a aussi un problème concernant Copine. Mais ça, j'en parlerai une autre fois.

Changement de sujet.

J'ai revu Consoeur aujourd'hui. Et oui.

Elle a dû rassembler tout son courage, mais quoi qu'il en soit elle est venu manger dans la salle à dîner ce midi. Oui oui, dans la même pièce que moi, et ce pour la première fois depuis dix semaines. Comme je discutais avec un autre collègue de travail, je n'étais pas assis avec notre petit groupe habituel, ce qui a dû lui faciliter la tâche. J'ai d'ailleurs dû quitter avant eux pour une réunion importante, non sans emporter avec moi le sac à main qu'une autre collègue avait oublié à la salle à dîner. Les gars n'ont évidemment pas pu s'empêcher de lancer quelques blagues en me voyant partir ainsi. C'est alors que Consoeur, qui avait soigneusement évité jusque là de croiser mon regard depuis qu'elle était arrivée, s'est tournée vers moi avec un sourire et m'a elle aussi adressé quelques commentaires humoristiques.

J'ai soutenu sont regard quelques secondes, et lui ai retourné son sourire.

Puis j'ai quitté la pièce.


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