13 septembre 2000

Pleine lune ce soir. Cinquième depuis le moment où j'ai débuté ce journal. Presque cinq mois donc. Elle ne me malmène pas trop. Apparemment, elle n'est pas lâche. Elle ne s'attaque pas à quelqu'un qui est déjà fragile.

La mer est de plus en plus calme. Je nage vers le rivage.

Journée plutôt ordinaire au travail aujourd'hui. Rien de spécial à dire donc. Dans le sentier, ça commençait à sentir l'automne. J'aime cette odeur. C'est ce qu'elle m'inspire que j'aime moins. J'essaie de ne pas y penser. Surtout pas ces jours-ci. J'affronterai l'avenir plus tard.

Que choisiriez-vous ? Vivre éternellement, ou mourir assez tôt pour ne jamais pouvoir vous blaser de la vie ?

La vie perd-elle vraiment sa saveur avec les années ? Est-ce un phénomène inexorable et inhérent à l'humanité ?

Je crois que non.

J'aimerais bien vivre éternellement. Cela m'enlèverais un gros poids sur les épaules: le poids du temps.

Au fond de moi, je dois aimer la vie en fin de compte. Il ne me reste qu'à faire émerger cet amour à la surface. Je ne crois pas qu'il soit enfoui si profondément. Il est de plus en plus certain que j'ai besoin d'aide psychologique, mais je ne crois pas avoir besoin d'une psychanalyse de plusieurs années.

Je suis déjà conscient d'une pensée qui m'empoisonne l'existence: celle que je suis vieux, qu'il est trop tard, que le temps presse, que la vie me file sous le nez. Cette idée est fausse. Je ne suis pas vieux. Ce temps qui me terrifie tellement est pourtant indulgent à mon égard: il me garde jeune et en santé. Je dois arrêter de le voir comme mon ennemi.

Oui, j'ai pris du retard, ça ne fait aucun doute. Mais essayer de rattraper frénétiquement ce retard ne me mènera nulle part. Comme un alcoolique du travail qui bosse du matin au soir, de façon désordonnée et sans méthode, et qui n'accomplit finalement rien de bon, qui est totalement improductif malgré toutes les heures qu'il consacre à sa tâche. Et plus il réalise qu'il n'arrive à rien, plus il panique, et plus il travaille, et plus il s'épuise, et plus il n'arrive à rien. Cercle vicieux. C'est ainsi que je suis en train de vivre ma vie. C'est ridicule, ça m'épuise, ça me rend fou, ça me tue.


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