1 août 2001

Journée d'hier.

Elle se résume à peu de chose en fait. Je l'ai passé à observer ma voisine.

En fait j'ai passé mon après-midi à me faire bronzer dans ma cour. Ma voisine ne travaillait pas, sa petite fille était à la garderie.

Elle a d'abord tondu la pelouse. Puis elle a lavé ses fenêtres extérieures ainsi que le revêtement de la maison. Puis ce fut le tour de sa voiture. Avant d'aller chercher son enfant à la garderie, elle venait de finir de nettoyer les essuie-glaces.

Elle n'a pas arrêté de l'après-midi.

C'est bien, me direz-vous. C'est une femme bien organisée, qui sait planifier son temps pour s'acquitter de toutes ses tâches.

C'est drôle, je ne l'ai pas perçu comme ça.

À la rigueur, sa pelouse avait besoin d'être tondue. Mais leur maison est propre comme un sou neuf, et n'avait certainement pas besoin d'être nettoyée.

Moi, elle me donnait plutôt l'impression d'une femme qui se cherchait de l'ouvrage parce qu'elle n'était tout simplement pas capable de relaxer, de rester là à rien faire. Ce n'est pas un reproche que je lui fais. C'est une question de profil de personnalité. Il y a de ces personnes qui doivent continuellement bouger, s'occuper à quelque chose. J'en connais plusieurs dans mon entourage. Ces personnes sont actives, plutôt que contemplatives, comme moi.

En fait, elle m'a peut-être fait mentir en soirée. Elle a passé de longues heures assises sur une chaise, à regarder son feu de foyer, jusqu'à tard après le coucher du soleil.

C'est surprenant que je sois toujours capable d'écouler mon temps à ne rien faire d'utile ou de constructif, à simplement me faire dorer au soleil et faire quelques saucettes dans le lac, alors que je suis si obsessivement terrorisé par l'idée de perdre mon temps, de gâcher ma vie. Pourquoi ne suis-je pas devenu comme ces personnes qui doivent absolument occuper chaque minute de chaque heure de leurs journées ?

Par excès de lucidité peut-être ? Parce que je ne suis pas dupe, parce que je sais qu'une journée remplie d'activités et de tâches diverses du matin au soir peut quand même être une journée gaspillée ? Parce que je sais que ce n'est pas la quantité de choses qu'on accomplit dans une journée qui compte, mais la teneur, la nature de ces choses ? Parce que je sais trop de choses pour continuer à croire qu'une carrière, la réussite sociale et professionnelle, une famille, etc. sont suffisants pour pouvoir affirmer à la fin de nos jours que notre vie a eu un sens ?

Vous ne me trouvez pas extrêmement hautain et prétentieux de parler comme ça ?

Moi, si.

J'ai passé la journée d'hier seul.

J'ai passé la journée d'aujourd'hui seul.

Je passerai vraisemblablement la journée de demain seul.

Et celle de vendredi.

Et toute la fin de semaine prochaine, à moins qu'Alegria n'accepte de me recevoir à nouveau en sa demeure.

Sauf que cette fois, c'est moi qui risque de me désister, même si l'idée vient de moi.

Pourquoi ? Par peur bien sûr. C'est toujours la même chose qui me bloque dans tout, vous commencez à le savoir. Peur de m'imposer, peur d'être de trop, peur que cette deuxième rencontre soit trop tôt après la première, peur de déranger son chum par ma présence, peur d'abuser de leur hospitalité.

Peur que cette deuxième rencontre lui permette de connaître mieux un Laqk qu'elle n'a finalement découvert que très superficiellement, et que l'occasion d'approfondir cette connaissance lui cause une certaine déception...

Encore une fois, peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur...

Je pensais être venu à bout de ce problème là.

Apparemment pas.

Bon. Encore du pain sur la planche.

Décidément, vivre est un travail à temps plein.


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