16 avril 2001

Aujourd'hui fut une de ces journées où il m'est arrivé quelque chose qui m'a fait dire que cela ferait une bonne entrée dans mon journal.

Je m'explique.

Cousine m'a invité à passer la journée chez elle pour faire de la raquette dans les sous-bois qui, dans son coin, sont encore passablement enneigés. Je m'en suis rendu compte d'ailleurs.

Nous sommes donc parti tous les quatre: Moi, Cousine, son chum et le petit chien de ce dernier, avec l'intention de faire quelques heures de raquette pour nous rendre par les bois à la cabane à sucre d'un des habitants de la région. Sur le chemin nous devions traverser un petit cours d'eau, ce qui n'était pas un problème selon Cousine puisque celui-ci était encore gelé lorsqu'elle s'était promenée dans le coin la semaine précédente. Ce à quoi elle n'avait pas pensé, c'est que nous sommes au printemps, et que les cours d'eau peuvent dégeler en quelques jours à cette période de l'année.

C'est effectivement ce qui était arrivé. Le ruisseau n'était pas très large, quelques mètres à peine, ni très profond. Nos bottes sont imperméables, mais ne montaient malheureusement pas assez haut pour empêcher l'eau d'entrer si nous traversions à guai. Aussi, nous décidâmes d'enlever nos raquettes pour traverser en marchant sur les branches des arbustes qui enjambaient le cours d'eau en certains endroits.

Bonne idée, mais mal mise en pratique, dans mon cas du moins...

L'idée est de lancer ses raquettes de l'autre côté du ruisseau, pour ensuite traverser. C'est ce qui firent Cousine et son chum sans problèmes. Mais en ce qui me concerne, j'eus la brillante (!) idée de garder une raquette de mon côté, pour m'en servir comme appui sur le sol avant de mettre les pieds sur les branches d'arbres, ce qui m'aurait évité de courir le risque de voir la rive de glace céder sous mon poids.

Bien mal m'en pris.

Une fois les deux pieds sur les branches, je me retournai pour prendre d'une main ma raquette restée derrière moi et la lancer sur l'autre rive. Malheureusement, elle me glissa des mains pour tomber à l'eau, et je vis avec horreur ma raquette hi-tech de plus de deux cent dollars être emportée par le courant !

Témoin de la scène, le chum de Cousine, qui avait eu le temps de chausser ses raquettes, partit à la course tant bien que mal le long de la rive, espérant réussir à dépasser la mienne pour l'attendre et la recueillir plus loin en aval. Cousine lui emboîta le pas bientôt. Quand à moi, n'ayant qu'une seule raquette à ma disposition, et me déplaçant donc environ douze fois plus lentement qu'eux car je devais à chaque pas extraire de la neige ma jambe gauche qui calait jusqu'à mi-cuisse, je traînais lamentablement derrière eux.

Cousine avait beau s'arrêter de temps en temps pour m'attendre et me porter assistance dans les zones où la neige était particulièrement molle, la progression n'en fut pas moins extrêmement difficile, et après une demi-heure nous arrivâmes à la hauteur d'un coude dans la rivière où son chum, installé sur la rive avec une longue branche à la main, attendait patiemment de voir arriver ma raquette. Il était raisonnablement sûr que, compte tenu de la vitesse du courant, il avait réussi à la dépasser, mais ne pouvait en être certain car il lui avait été impossible de demeurer sur le bord du cours d'eau tout le long du trajet à cause du terrain trop accidenté sur certaines sections.

Ainsi patiemment installés, nous contemplions donc trois possibilités: la raquette était encore plus loin en aval et nos chances de la retrouver étaient pour ainsi dire nulles; la raquette allait faire son apparition d'une minute à l'autre; et la troisième hypothèse: la raquette était coincée quelque part en amont dans les nombreux branchages qui auraient pu lui faire obstacle à de nombreux points le long du cours d'eau.

Afin d'estimer la probabilité de cette dernière possibilité, Cousine fit une proposition qui me glaça le sang: lancer ma raquette restante à la rivière à partir d'un point situé un peu plus haut en amont de notre position, et observer sa descente dans le courant, pour voir si elle allait couler (c'est une raquette d'aluminium), ou flotter et s'accrocher dans les branchages, ou alors descendre librement le courant jusqu'à la position où se trouvait son chum, qui me jura solennellement qu'il ne la laisserait pas lui échapper. Après une longue hésitation, me disant que de toute façon une seule raquette, si coûteuse soit-elle, ne me serait d'aucune utilité, j'acquiesçai à sa demande.

L'expérience fut tentée. La raquette, une fois lancée à l'eau, coula au fond après une dizaine de mètres, avant de refaire surface, entraînée par les remous, pour aller finalement s'accrocher par les courroies dans les branchages après avoir parcouru au total une vingtaine de mètres au maximum. Il semblait évident que ma première raquette, si elle était passée par là, n'aurait pu faire autrement que de s'accrocher dans les mêmes branchages, ce qui nous permis de retenir l'hypothèse qu'elle était restée coincée plus haut en amont.

Tout cela était bien beau, mais il fallait aller récupérer ma raquette cobaye. Je me portai donc volontaire, et dû retirer bottes et bas de laine, remonter mes bas de pantalon et marcher nu pied dans l'eau glacée pour aller la recueillir. Je ne fut dans l'eau que quelques minutes seulement et déjà mes pieds étaient complètement insensibles...

Le chum de Cousine s'offrit pour remonter très lentement la rivière jusqu'au point où j'avais originalement échappé ma raquette en m'affirmant que si elle coincée quelque part en amont, il la trouverait. Quand à moi, je pouvais difficilement refaire le chemin inverse avec une raquette manquante, et Cousine me proposa de m'aider à me traîner jusqu'à un sentier de motoneige sur la neige compactée duquel je n'aurais aucune difficulté à me déplacer, sentier qui passait à quelques dizaines de mètres de la rivière et rejoignait la route. Nous partîmes donc, Cousine, le chien et moi vers le sentier, et le chum de Cousine le long de la rivière, en nous donnant rendez-vous à la maison.

Environ une demi-heure après notre propre arrivée, nous vîmes apparaître le chum de Cousine... ma raquette manquante à la main ! Devinez où elle était restée coincée ? Dans des branchages, une dizaine de mètres à peine en aval de l'endroit où je l'avais échappé dans le cours d'eau...

Mais finalement, ce fut une belle aventure qui nous permit de passer la majeure partie de cette splendide journée dehors en pleine nature, à emplir nos poumons d'air pur, à caler jusqu'aux cuisses dans la neige fondante et mouillée, et à marcher pied nu dans une eau de température à peine supérieure au point de congélation...

Et en plus, mon visage affiche un beau teint basané qui fera l'envie de mes collègues de travail demain. Souper chez des amis samedi soir, bronzage intégral hier, promenade en forêt aujourd'hui. Somme toute, on pourra dire que j'aurai assez bien profité de cette longue fin de semaine.


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