18 avril 2001

Aucune distraction ce soir. Aucune télé, aucune radio, aucune musique. Seulement moi et mon clavier. Car ce soir, je tiens à consacrer toute mon attention à une seule chose: cette page.

Il y a un an, jour pour jour, j'écrivais la première entrée de ce journal. Nous faisions ensemble le premier pas dans le tunnel de mon existence.

Est-ce que, il y a un an, je m'attendais à ce que ce projet, dans lequel je me lançais un peu à l'aveuglette sans trop savoir ce qui m'attendait, survive une année entière ? Honnêtement, je dirais que oui. À l'époque, je lisais déjà plusieurs journaux online qui s'étiraient sur plusieurs années, et comme j'aime beaucoup écrire de toute façon et que j'avais déjà tenu pendant plus de dix ans un journal papier, je ne percevais pas comme infranchissable la barrière psychologique de la première année.

Est-ce que je m'attendais à maintenir mon rythme d'écriture avec autant de régularité durant cette année ? Absolument pas ! Et encore moins à voir augmenter ma fréquence d'écriture et s'accroître la longueur de mes textes.

Mes billets ont gagné en fréquence et en longueur, certes. Mais qu'en est-il de la profondeur et de la pertinence de mes écrits ? Franchement, je ne saurais le dire. Je devrais me relire pour ça. Ceux et celles d'entre vous qui m'ont découvert depuis peu, et qui se sont tapé mes archives depuis le début, seraient mieux placés pour le dire.

Je crois qu'il est coutume, dans ce genre d'occasion, de faire une sorte de bilan de la dernière année n'est-ce pas ? Je vais donc de ce pas essayer de m'y attaquer. Soyez indulgents avec moi, je n'ai pas d'expérience dans ce genre de chose. Après tout, ce n'est que mon premier anniversaire...

L'an passé à pareille date, la toute première grenouille de l'année lançait timidement ses premiers sifflements. Le fond de l'air était frais et humide, et la pleine lune trônait fièrement dans un ciel sans nuage.

Cette année, aucune grenouille ne fait entendre sa voix. Le temps est plutôt froid, et les étoiles brillent dans un ciel autrement sombre.

Mes travaux de rénovation à la maison, que je remettais à plus tard depuis huit ans, auraient maintenant dus être fait depuis neuf ans. Ma salle de bain n'a toujours pas de porte, et dans l'ensemble, ma maison est toujours un bordel. Oh, il y a bien une différence: au lieu de vous écrire assis par terre sur le tapis de mon boudoir, je suis maintenant installé confortablement sur une chaise de bureau. En fait, j'ai déménagé mes pénates dans mon salon, laissant maintenant vide la pièce qui me tenait lieu de boudoir.

J'ai changé de voiture, mais j'occupe toujours, depuis seize ans maintenant, le même emploi qu'il y a un an. Moi et Consoeur nous faisions la gueule à l'époque, et ça n'a pas changé aujourd'hui. Enfin, oui ça a changé: c'est pire maintenant.

Physiquement ? Pas grand changement. Je suis toujours mince, malgré un petit ventre qui devrait disparaître avec le début de mes activités estivales, j'ai toujours quelques cheveux gris (mais à peine), et quelques autres poils gris à des endroits qu'il est inutile de spécifier... Mais j'ai bien failli perdre tout ça lors d'un accident de vélo dont je garde des séquelles si dérisoires en relation avec la violence de l'impact qu'elles ne sont même pas dignes de mention. Et j'ai toujours des aussi belles fesses... ("un joli petit cul", comme disait Lectrice).

Ces étoiles qui, il y a un an, brillaient comme autant de petits points nets dans le ciel, m'apparaissent aujourd'hui comme de tous petits halos de lumière, signe que le poids des années a commencé à se faire sentir sur ma vue.

L'an passé à cette date, mon cercle d'amis était à toute fin pratique constitué de trois personnes: Lola, que j'aime toujours profondément, Copine, et un ami masculin dont j'ai déjà fait mention ici à quelques reprises, mais que je ne vois pour ainsi dire plus. Aujourd'hui, mon cercle d'amis s'est beaucoup agrandi. J'ai rencontré de nombreuses personnes extraordinaires et gentilles.

Mais aujourd'hui encore, je passe la plupart de mes soirées et fins de semaine seul chez moi, devant la télé, ou assis à mon ordinateur à lire la vie des autres. Bien sûr cette routine est plus souvent entrecoupées de petites escapades ou de soirée avec des amis. Mais ces nouveaux amis, je ne les vois pas aussi souvent et aussi librement que je le voudrais, et un petit quelque chose d'indéfinissable m'empêche encore de me sentir bien, de me sentir vraiment à ma place parmi eux.

Et bien sûr, il m'arrive aussi plus souvent d'échanger avec quelques connaissances virtuelles que ce journal m'a apportées au fil des mois. La plupart n'ont fait que passer brièvement dans ma vie, certaines sont restées et me tiennent encore compagnie. Toutes m'ont apporté quelque chose. Obnubilé par ma souffrance et mon narcissisme, je crains ne pas leur avoir donné beaucoup en échange. Mais ceux et celles qui me sont restés fidèles ne semblent pas s'en offusquer outre mesure. Ils ont fait preuve à mon endroit d'une indulgence dont je devrais bien apprendre à faire montre envers moi-même, au lieu d'être si dur et intransigeant. J'ai rencontré en personne une de mes lectrices, et je garde de cette expérience, que j'aimerais bien renouveler un jour, un excellent souvenir.

Lorsque je retrouverai mon bonheur et mon équilibre (et je les retrouverai) ainsi que ma capacité à donner, vous ne serez pas laissés pour compte.

Durant les douze derniers mois je n'ai eu aucune relation sexuelle. Et je n'ai embrassé qu'une seule femme, une seule nuit. Et J'en rêve encore à l'occasion.

Et au fond de moi maintenant, y a-t-il eu des changements, des améliorations dans mon coeur, mon esprit et mon âme ?

Et bien, on peut dire que je ne suis plus en dépression. C'est déjà ça de gagné non ? Pour ce qui est de la névrose, par contre, pas beaucoup d'amélioration de ce côté. Cependant, ma mise à nu de l'âme m'a apporté beaucoup. Elle m'a offert un regard neuf sur moi-même, elle m'a fait redécouvrir des côtés de moi que j'avais relégués aux oubliettes depuis une éternité. Et surtout, elle m'a redonné l'espoir, l'espoir de croire que le bonheur est possible, que je peux devenir acteur de ma propre existence, que je peux vivre la vie que j'ai envie de vivre, que l'amour n'est pas une chimère, un mirage qui m'éludera à jamais.

Et si je voulais faire en une phrase le bilan de cette année, je dirais: la route à parcourir est encore longue, mais les premiers pas ont été faits, et dans la bonne direction.

Et si je voulais résumer en un mot tout ce que vous m'avez procuré durant les longs mois qu'a duré cette aventure, je dirais: merci.

J'en aurais encore tellement à dire... Mais je dois en garder pour la prochaine année, n'est-ce pas ?

"Vous vous tenez à l'entrée du tunnel de mon existence. Oserez-vous m'y accompagner... encore ?"


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