23 avril 2001

Encore un de ces maux de têtes lancinants qui m'accablent régulièrement et me brouillent les idées. Et en plus j'ai mal au cou et aux dents. Je ne garantis rien pour la qualité de mon billet de ce soir.

En fait, peut-être que je cherche simplement une excuse pour justifier la médiocrité de mes billets ces temps-ci.

Bon, j'en entend déjà me dire que "médiocre" est un bien grand mot.

Remarquez que je n'ai pas dit "pourri", "nul", "minable", "insignifiant". J'ai dit "médiocre". C'est un peu plus nuancé.

Je crois que je ne devrais pas trop lire les autres diaristes quand j'ai mal à la tête.

Parce qu'encore une fois, au lieu de jouir pleinement de la qualité de leur plume, de l'étendue de leur érudition, de la profondeur de leur réflexion, de l'authenticité de leur démarche, de l'intensité de leur vécu, je ne vois qu'une seule chose: comparé à eux, mon écriture est plutôt médiocre. Je me noie dans l'envie, au lieu de profiter de ce qu'ils m'offrent.

Je m'étais pourtant défendu moi-même de tomber dans ce piège. Je m'étais défendu de me mettre à accorder plus d'importance à la forme qu'au fond. Si ce journal en venait à ne servir qu'à déblatérer sans cesse sur mon manque de talent et sur la qualité douteuse de ma plume, il deviendrait aussi inutile et absurde qu'une pancarte sur laquelle on pourrait lire: "attention, pancarte".

Mais même si c'est le cas, même si je n'ai qu'un talent limité, même si je ne serai jamais un grand écrivain, ni même un écrivain tout court, pourquoi est-ce que ça me dérange tant ? Après tout, pour atteindre les hauts niveaux de qualité d'écriture que j'admire tant chez les diaristes que j'envie, ceux-ci mènent généralement une vie qui gravite entièrement autour de l'écriture, celle-ci étant au centre de leur existence du matin au soir. Et ils aiment ça, et ils en mangent, et ils en redemandent, et ils sont heureux là-dedans. Et moi, je sais très bien que ce genre d'existence ne me conviendrait pas, mais alors là pas du tout, à un point tel que j'aurais probablement beaucoup de difficulté à entretenir de quelconques rapports autres que strictement virtuels avec eux, à trouver des bases communes sur lesquelles bâtir les fondations d'une quelconque relation amicale ou amoureuse.

Bon, alors c'est quoi mon problème ?

Pour dire les choses simplement: peut-être est-ce parce que je les admire, et que je voudrais qu'ils m'admirent aussi, et que je ne crois pas que ce soit possible avec le peu de talent littéraire que je possède.

Et tout ça va beaucoup plus loin que l'écriture et le diarisme.

Prenons l'exemple de Consoeur (ben oui, encore elle, n'en déplaise à certains). Je ne sais pas si je l'ai déjà mentionné ici, mais cette femme a un style fou. Elle possède un sens inné de l'esthétique et du bon goût. En terme de vêtement et de coiffure, elle joue des couleurs, des formes et des styles avec la même aisance et la même désinvolture dont fait preuve un pianiste virtuose en jouant de son clavier. Ce talent contribue beaucoup à l'attrait qu'elle exerce sur moi (de même que son doux visage, son sourire angélique, son regard pétillant, ses lèvres sensuelles, ses... bon, je digresse), bien que dans la vie de tous jours, je sois une personne qui accorde très peu d'importance aux artifices vestimentaires. Bref, je lui envie un talent dont je ne saurais que faire si je le possédais.

Autrement dit, j'ai l'impression que les gens ne peuvent m'admirer ou même simplement s'intéresser à moi que si mon talent égale ou surpasse le leur dans les domaines où ils excellent.

Ai-je tort ?

Je crois que oui. Reste à m'en convaincre.

Je repensais à Lectrice aujourd'hui. Et oui, ça m'arrive encore. Je me rappelais une phrase qu'elle m'a dite au téléphone, et que je lui ai fait répéter pour être certain d'en avoir bien compris le sens. Elle m'a dit: "Je me défend de ne pas laisser cette relation entre nous aller plus loin".

Apparemment, elle n'a pas beaucoup d'autorité sur elle-même.

Mon mal de dent est disparu. Le mal de tête, lui persiste, ainsi que cette raideur lancinante au cou. Ce dernier fait d'ailleurs des bruits inquiétants lorsque je bouge et m'étire la tête pour essayer d'alléger un peu cette douleur.

J'aurais besoin d'un bon massage moi.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]