19 janvier 2001

En relisant mon billet d'hier j'y ai constaté, outre les nombreuses fautes et le fait qu'il m'arrivait plutôt souvent de ne pas savoir que faire, une faute qui pourrait carrément induire le lecteur en erreur. En effet, dans un paragraphe, je parle de "Lolita" alors qu'il s'agit en fait de Nikita. C'est bien cette dernière qui est venue cogner à la porte de mon chalet juste avant d'être malade. Lorsque que vous lirez ces lignes, la correction sera faite.

Le lendemain de cette incartade entre Nikita et moi, nous nous sommes tous rejoints sur la terrasse du restaurant pour déjeuner. Nikita et Lolita étaient en remarquablement bon état, malgré leur brosse de la veille. Il faut dire que la qualité des alcools à Cayo Largo est absolument excellente, et j'étais moi-même surpris du peu d'effet secondaire qu'un abus, même notable, pouvait laisser, moi à qui il arrive régulièrement de récolter un léger mal de tête parfois après une seule bière.

Nikita et moi nous parlions peu. Je la regardais, tout en me demandant dans quelle mesure elle se rappelait de ce qui s'était passé la veille. En fait, j'en venais presque à souhaiter qu'elle ait tout oublier, ce qui aurait grandement simplifié les choses.

Après avoir tant bien que mal ingurgité quelques fruits, elle se leva pour aller marcher sur la plage. Je la suivis car je sentais que c'est ce qu'elle désirait, qu'elle voulait aller à l'écart des autres pour me parler. Quand nous fûmes seul, elle me dit:

- Tu sais, à propos d'hier soir...

Mon coeur sauta un battement.

- Oui ? répondis-je.

- Tu sais... ce qui est arrivé est arrivé. C'était une erreur, et je ne voudrais pas que cela jette un froid entre nous. Tu me comprends ?

Nous continuâmes ainsi à jaser tout en marchant sur la plage au soleil. La tension baissa progressivement entre nous, et quelques plaisanteries finirent de détendre l'atmosphère. À toute fin pratique, l'incident était clos.

Je passai tout l'avant-midi seul sur la plage avec Lolita, les autres filles ayant décidé de courir les boutiques. Sachant Nikita et Lolita proches l'une de l'autre, je lui confiai l'histoire de la veille. Elle resta très surprise de mon récit. En effet, Nikita s'était également confiée à elle tôt le matin, et les deux discours ne concordaient pas vraiment.

C'est alors que j'ai réalisé que Nikita en avait oublié un grand bout. Un très grand bout.

Durant l'après-midi, nous avons tous profité d'une excursion en bateau qui nous mena d'abord sur une petite île volcanique où nous avons pu nourrir à la main une véritable tribu d'iguanes terrestres, puis vers un récif de corail où je pus pour la première fois faire de la plongé en apnée dans les chaudes mers du sud. Ce fut pour moi une expérience absolument incroyable, une expérience que je n'oublierai jamais. Je suis resté longtemps sur le pont du bateau, hésitant, n'ayant jamais fait d'apnée auparavant. Mais il semblerait que ma nouvelle philosophie d'affronter mes peurs commence à s'incruster dans mes neurones, car je me dis que si je n'y allais pas, et au prix que j'avais payé pour ce voyage en plus, je le regretterais toute ma vie. Alors j'ai fait le grand saut, et je garderai pour toujours le souvenir de cette merveilleuse expérience.

J'ai quand même senti Nikita distante tout l'après-midi.

Pendant que nous attendions l'autobus qui nous ramènerait à notre hôtel, Lolita fit la connaissance d'un jeune homme qui était avec nous pendant l'excursion. Il était italien. Je dois admettre qu'il paraissait très bien, et qu'en plus il avait l'air fort sympathique. Toutes les filles trippaient sur lui d'ailleurs. Tellement qu'elles ne cessèrent d'en parler entre elles durant le souper. C'est d'ailleurs à ce moment que, pour la première fois, je me suis senti un peu à l'écart du groupe, que j'ai réalisé que j'étais bien le seul homme avec cinq femmes, et que cette situation n'est pas nécessairement aussi idéale qu'elle le parait.

Tout le monde se coucha très tôt cette nuit là. Nos deux "brosseuses" de la veille étant encore perturbées par leurs abus éthyliques, et leurs infirmiers/ères aussi bien sûr. Quand à CaroLargo, elle n'avait pas beaucoup dormi non plus, mais pour des raisons fort différentes...

Couché sous mes draps, je trouvai rapidement le sommeil, enchanté par l'idée d'enfin pouvoir passer une bonne nuit.

Je me trompais.

Je ne devais pas dormir depuis plus d'une heure quand je fus réveillé abruptement par les pas lourds de Copine qui se précipitait à la salle de bain. Quelques secondes plus tard, elle "callait l'orignal" (expression vulgaire, je sais) et remplissait la toilette. Je me vis donc affublé une fois de plus de mon rôle d'infirmier pour une bonne partie de la nuit. Actuellement, nous ne savons toujours pas ce qui a pu la rendre malade. Notre meilleur hypothèse: déshydratation et insolation. En effet, Copine avait à peine bu la moitié de sa bouteille d'eau en deux jours, alors qu'en temps normal elle peut facilement en ingurgiter deux à trois litres par jours.

Elle se sentait beaucoup mieux le lendemain matin, et décida de nous accompagner à la plage de Paraiso, où nous passâmes toute la journée dans ce merveilleux petit coin de paradis.

Cette fois, le malaise était palpable entre Nikita et moi. Et cela me désolait beaucoup.

Tard en soirée, nous étions tous réunis dans le chalet de Lolita et Salma, à l'exception de Copine qui était partie se coucher, faisant encore un peu de fièvre. Lorsque Lolita, Salma et CaroLargo partirent pour aller à la discothèque, je me retrouvai seul avec Nikita.

Il y eu un long silence.

- Bon, dis-je alors, je crois que je ferais mieux d'aller voir comment va Copine et d'aller me coucher moi aussi. Bonne nuit à toi et à demain.

Et je me levai pour sortir.

Alors que je posais la main sur la pognée de la porte, elle lança, timidement:

- Tu n'es pas obligé de partir tout de suite...

Je me retournai lentement, nous nous lançâmes un long regard.

Puis je vins m'asseoir près d'elle, tout en gardant une certaine distance.

Elle prit la parole à nouveau:

- Ne crois-tu pas qu'il y a certaines choses dont nous devrions discuter ?

Nous avons alors engagé la conversation sur ce malaise entre nous, sur sa source, et comment le résoudre. C'est alors que je pris mon courage à deux mains et lançai:

- Dis-moi, dans quelle mesure te souviens-tu de la nuit de mardi à mercredi ?

Elle se raidit un peu, en me regardant droit dans les yeux. Je crois que c'est à ce moment précis qu'elle réalisa qu'elle n'avait pas en main toutes les pièces du puzzle. Et cela la rendit très nerveuse...

Elle me raconta donc ce dont elle se rappelait de la soirée, à savoir: le bain de minuit, les deux baisers dans le hamac, puis d'avoir été malade dans mon chalet, sans trop savoir comment elle s'était retrouvée là.

- Veux-tu vraiment savoir tout ce qui s'est passé ? lui demandai-je.

Long silence. Elle ne pouvait même plus me regarder dans les yeux. Je sentais sa respiration courte et haletante.

- Oui, lança-t-elle finalement, d'une petite voix à peine audible.

J'entrepris alors de lui raconter dans les moindres détails, mais avec le plus de tact dont je suis capable (ce qui est peu), tout ce qui s'était passé ce soir là, tout ce que nous nous étions dit. Au fur et à mesure que je parlais, je la sentais de plus en plus mal à l'aise. Elle regardait droit devant elle, fermait les yeux à l'occasion.

Je me tus.

Très long silence, chacun de notre côté, à examiner les motifs des murs.

- Je ne sais vraiment pas quoi dire, déclara-t-elle finalement d'une voix cassée, les yeux dans l'eau. Je comprend maintenant ton malaise envers moi. Je suis tellement désolée d'avoir jouer avec tes émotions comme ça, je ne voulais vraiment pas te faire du mal...

Les deux heures qui suivirent furent meublées par une longue conversation, très intense, très émotive, mais combien enrichissante, durant laquelle nous nous mîmes à nu l'un devant l'autre, partageant notre vécu, nos expériences passées, bonnes et mauvaises. Il y avait longtemps que je n'avais ressenti pareille complicité avec un autre être humain. J'avais choisi de démarrer cette amitié naissante du bon pied, de me montrer à elle comme je le fais à vous-même: sans pudeur, sans masque.

Nous nous séparâmes finalement, après une bise et une courte accolade.

Il nous restait maintenant à digérer tout ça.

Voilà. Cinq jours d'écoulés.


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