8 juillet 2001

Drôle de semaine...

D'abord au travail. Comme je l'ai déjà dit, Consoeur était absente. Était-ce un hasard si, comme par enchantement, le petit groupe que nous appelions affectueusement la "deuxième tablé", et qui incluait entre autre Consoeur et l'amant présumé, s'est reformé durant quatre jours, pour prendre nos repas du midi à la salle à dîner ?

C'était aussi la pleine lune cette semaine, et bon sang que je l'ai senti. Et pas seulement moi, à peu près toutes les personnes que j'ai côtoyé étaient impatientes et irritables. D'ailleurs, on n'avait qu'à voir ce qui se passait sur les routes. J'ai été pris plus d'une demi-heure dans le trafic de fin de journée à cause d'accidents de la route, et ce, deux jours consécutifs. Les montréalais doivent bien rire de moi en lisant cela, mais dans mon coin de pays, surtout à l'heure où je finis ma journée, c'est plutôt inhabituel.


Il est temps pour moi de parler de quelque chose qui me chicote depuis maintenant plusieurs semaines. Cela concerne le monde des diaristes, et les sentiments qu'il fait naître en moi.

Depuis quelques semaines, voire quelques mois, je fais quelque chose que je ne faisais pas durant ma première année d'écriture, que je m'étais juré de ne jamais faire.

Je me compare aux autres diaristes.

Mais qu'est-ce que tu nous chantes là Laqk ? On compte plus le nombre de fois où tu comparais ton style d'écriture aux autres diaristes ! Tu te fous de notre gueule ou quoi ?!

Je sais, je sais, mais je ne parle pas ici de mon style d'écriture.

Je parle de mon journal lui-même, de son contenu, de son fond.

Je me suis surpris depuis quelque temps à comparer mon journal à celui d'autres diaristes dont le cheminement est semblable au mien. Je compare sur plusieurs points: nombre de lecteurs/lectrices, de correspondants réguliers et occasionnels, profondeur de l'intimité dans la relation auteur/lecteur, etc. La conclusion ? Toutes les personnes auxquelles je me compare semblent plus lues, plus populaires et plus intéressantes que moi.

La raison est simple: ma vie est plate. Plate plate plate. Mais je ne vous apprend rien. Même mon introspection et mon cheminement intérieur stagnent depuis le début de l'année. Et comme ma vie est plate, pas surprenant que mes lecteurs finissent par s'en lasser. Même Lola ne me lit plus depuis longtemps. Une fois passé l'attrait de la nouveauté, elle est vite retourné s'occuper de sa propre vie, dont je ne fais plus partie depuis longtemps, voyons les choses en face. Rien d'étonnant d'ailleurs. Elle a finit, comme beaucoup d'autres personnes dans ma vie, par en avoir marre de mes sempiternelles jérémiades. Et elle a tout à fait raison.

Je commence à ressentir des sentiments que je n'aime pas, jalousie, envie, face aux autres diaristes. Pas envers leur vie (ça fait longtemps que j'envie la vie des autres !) mais plutôt envers ce que leur apporte leur journal, envers les relations privilégiées qu'ils semblent avoir développé avec certains membres de leur lectorat. Et surtout lorsque nous partageons des lectrices et qu'ils entretiennent avec celles-ci une relation plus intime qu'elles ne partagent avec moi. Même si mon nombre de lecteurs semble s'être maintenu au fil des mois, la fréquence de mes correspondances a quand à elle considérablement diminué. Pourquoi ? Ce serait trop facile pour moi de jouer à la victime, de dire que je suis malchanceux, que la poisse s'acharne sur moi, que je suis un grand incompris et que personne m'aime bou hou.

Mais force m'est donnée d'admettre que la réalité est toute autre.

La raison pour laquelle mon lectorat me déserte, pour laquelle presque plus personne ne m'écrit, pour laquelle je n'entretiens même plus de correspondance avec les deux seules lectrices que j'ai rencontré en personne depuis que j'ai commencé à écrire ce journal, c'est que je les ai scandaleusement négligées. Et comme mes lecteurs et lectrices ont pour la plupart beaucoup plus d'estime de soi que je peux en avoir, ils ont vite fait de cesser de se mettre les doigts dans la portière que je me complais à leur claquer dessus.

Je vous ai parlé de cette lectrice qui m'offrait une aventure, rien de moins. Et bien cela doit faire des mois que la "niaise", sans même lui avoir encore proposé ne serait-ce qu'une simple conversation téléphonique.

Et puis cette autre lectrice, qui m'a déjà fait une crise parce que je la négligeais. Et bien je la néglige encore. Mais, faisant preuve de plus de maturité que moi, elle a dû se faire une raison et continue à m'écrire à l'occasion, pour me donner signe de vie, alors qu'elle n'a presque jamais droit à un simple accusé de réception de ma part.

J'ai beaucoup progressé depuis un an. J'ai évolué sur bien des points, compris bien des choses. Mais ça, ça n'a pas changé: je continue inexorablement à rechercher obsessivement l'attention de personnes avec qui j'ai peu ou pas de points en commun et qui se foutent plus ou moins de moi, comme Lolita, ou pire, qui me détestent carrément, comme Consoeur, et je traite avec mépris toutes les autres qui me portent beaucoup d'intérêt, comme Copine ou Salma. Et depuis que j'écris ce journal, je n'ai fais que transposer les mêmes patterns de comportement sur mes relations virtuelles.

Voilà un point, sans doute le principal point, sur lequel je devrai le plus travailler en thérapie, si je finis par me botter le cul et par me décider à aller consulter (et à prendre rendez-vous chez l'optométriste, chez le dentiste, etc.).

Et le deuxième point sur lequel je devrai travailler, c'est cette procrastination chronique, qui est à la source de toutes ces angoisses, ma peur de ne pas vivre assez, de gâcher ma vie. Nous sommes presque rendu à la mi-juillet et je n'ai pas encore fait de camping une seule fois, ni acheté de nouveau vélo, ni ne serait-ce que commencé à travailler sur ma galerie.

D'abord, qu'est-ce que je fous encore ici à ce temps-ci de l'année ? Ce n'est ni l'argent ni les vacances qui me manquent pour partir. J'ai la chance immense d'avoir des conditions de travail qui me permettent de partir en vacance presque sans préavis, quasiment sur un coup de tête. De nombreuses lectrices seraient infiniment heureuses de m'accueillir chez elles quelques jours à Montréal, dans l'Outaouais, et dans plein d'autres régions, et ce sans compter les lectrices que j'ai en France, en Suisse et en Belgique, qui auraient sûrement été très heureuses de faire de même si je m'étais donné la peine d'entretenir les relations qu'elles semblaient vouloir développer avec moi. Sans compter que je pourrais aisément leur rendre la politesse et leur faire le beau cadeau de les accueillir dans mon petit coin de paradis, si ce n'était de ma manie de garder mon chez moi dans un tel état de délabrement que je n'oserais même pas y inviter un chien à coucher.

Et que dire de France qui m'attend, bras ouverts, à San Francisco ?

Mais qu'est-ce que j'attend pour vivre, bordel de merde, qu'est-ce que j'attend ?


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