6 juin 2001

Il y a un peu moins de deux semaines Nikita m'a écrit. Enfin, pas juste à moi; elle a envoyé le même courriel à une dizaine de correspondants environ. Dans son message elle disait qu'un imprévu était arrivé dans sa vie, et que nous devions l'appeler au téléphone pour savoir de quoi il s'agissait. Le ton de ce message semblait plutôt joyeux.

Je ne l'ai pas appelé.

Il y a deux jours j'ai reçu un autre courriel d'elle, adressé à moi seul cette fois, dans lequel elle me demande ce que je deviens, pourquoi je ne donne pas de nouvelles, et si j'ai bien reçu son message précédent.

Je n'ai pas encore répondu.

En fait, je fuis, j'évite. J'évite parce que j'ai peur. J'ai peur que ce qui est pour elle une bonne nouvelle soit pour moi un poignard en plein coeur.

Vous savez ce que je crains qu'elle m'annonce ? Qu'elle est enceinte. J'en ai même rêvé cette nuit.

Pourtant, c'est illogique et peu probable. Premièrement. Nikita a presque toujours eu un homme dans sa vie depuis fort longtemps, et elle sait très bien comment prendre ses précautions. Et je sais de sa bouche qu'elle ne veut absolument pas tomber enceinte en ce moment. Et même si cela lui arrivait, elle ne considèrerait certainement pas cela comme une bonne nouvelle pour l'instant.

Mais j'ai peur quand même. Peur parce que d'une certaine façon, cette grossesse hypothétique signifierait pour moi la fin de tout espoir, de toute possibilité qu'il puisse jamais y avoir entre nous autre chose qu'une simple amitié.

Depuis notre retour de voyage, nous ne nous sommes vu que trois fois, et n'avons échangé que quelques courriels. En général, elle n'occupe à peu près plus mes pensées.

Et je m'interroge. Je me demande si au fond, les choses ne sont peut-être pas mieux ainsi entre nous. Que je l'oublis, et qu'elle m'oublie. Tout serait plus simple ainsi.

Mais est-ce vraiment ce que je veux ? La sortir de ma vie ?

Je devrais lui écrire. Lui écrire et lui dire tout ce que je viens de dire dans cette page. Parce que c'est ainsi que notre relation a commencé: dans l'ouverture et la franchise totale. Dès le début je me suis dit que je me montrerais à nu devant elle, avec mes joies, mes peines, mes peurs et mes appréhensions, aussi ridicules soit-elles, comme je le fais ici. Et dès le début, elle a reçu et apprécié cette ouverture de ma part.

Cette femme m'aime franchement, sincèrement tel que je suis, sans masque et sans artifice.


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