4 mai 2001

Je suis las ce soir. Et je m'ennuie. Je dois dire que je m'étais habitué à la présence de ma jeune lectrice tous les soirs sur le chat depuis un certain temps et ce soir elle n'y est pas. Je ne réalisais pas à quel point elle me tenait compagnie.

Je ne réalisais pas à quel point j'ai envie de compagnie.

C'est pas normal de passer ses vendredis soir seul devant la télé ou l'ordi, semaine après semaine, année après année. Le vendredi soir, on devrait se retrouver en petit groupe quelque part, chez des amis avec un bon verre de porto, devant un feu de foyer. C'est à ça que devrait ressembler un vendredi soir. À ça ou à quelque chose de similaire, selon les goûts de chacun.

J'essais ces temps-ci d'examiner mon mal-être, cette sensation de vide, de manque, qui m'accompagne dans tout ce que je fais, je pense et je ressens, à chaque minute de chaque heure. Comme je vais relativement bien depuis quelques mois, je me sens davantage capable de regarder ce mal en face et de l'observer, de l'étudier, de l'examiner sous tous les angles, afin de chercher à en comprendre l'origine. Pas facile, même quand je me sens très lucide. Mais je progresse quand même à petits pas. Par exemple, j'ai réalisé que si j'avais vingt-neuf ans, je ne ressentirais pas ce vide. Pourquoi ? Pas encore clair. Mais j'y travaille.

Consoeur aussi rentre seule chez elle tous les vendredi soir. C'était son anniversaire cette semaine. Quelque chose me disait que, contrairement à l'an passé, elle choisirait de ne pas prendre congé pour cette occasion cette année. Et j'ai eu raison. Je lui ai fait parvenir un courriel dans l'avant-midi, le premier courriel que je lui adressais depuis des mois. Il disait simplement ceci:

Malgré la froideur qui a tristement entaché nos rapports personnels et professionnels au fil des mois, je tenais à dire que j'ai toujours porté, et je porte toujours, la plus grande estime pour la collègue et la femme à laquelle je désire aujourd'hui souhaiter le plus heureux des anniversaires. Puisses-tu passer cette journée comme tu le désires, dans le bien-être et la paix, et puisses cette nouvelle année de vie t'apporter le bonheur et toutes les belles choses que la vie peut offrir.

Laqk
xx

Elle a lu ce courriel une heure plus tard, et une autre heure plus tard elle y répondait par ce simple message:

Merci pour les souhaits,

Merci beaucoup!

Consoeur

Nous ne nous sommes vu qu'une seule fois cette journée là, durant la pause d'après-midi, alors qu'elle avait déjà pris connaissance de mon message. Elle était à l'autre bout de la cafétéria avec son groupe. Chaque fois que je regardais dans sa direction nos regards se croisaient. Puis elle détournait rapidement les yeux. Ça a duré comme ça tout le long de la pause.

À nous voir, on aurait jamais cru que nous sommes deux adultes à la fin de la trentaine.

Nous ne nous sommes pas parlé cette journée là. Lorsque je suis monté au laboratoire remplir les bidons de l'humidificateur, elle était déjà partie.


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