15 mai 2001

Je vais vous faire un aveu: je ne voulais pas écrire ce soir. Ni demain. Ni après-demain. J'en avais marre. Je refoule beaucoup de frustration en ce moment.

Au travail, une situation est en train de s'envenimer. Un conflit entre deux collègues dégénère de plus en plus. L'un d'eux risque la radiation de son ordre professionnel, rien de moins. Et comme je suis responsable du système de courrier, les deux me demandent à tour de rôle de leur ressortir le contenu d'une correspondance électronique qu'ils ont échangé il y a plus de trois ans de cela. Et moi je suis pris entre l'arbre et l'écorce. Si je donne un meilleur service à l'un plutôt qu'à l'autre, je me ferai accuser de favoritisme, ou pire, de collusion. Et en plus je met des heures et des heures de travail à essayer de retracer, parmi des tas de vieux backups disparates et disséminés aux quatre coins du système, une correspondance qu'ils n'ont pas été assez intelligents pour conserver eux-même. Sans compter les problèmes d'étique que posent le fait de fouiller dans des courriels qui ne m'appartiennent pas. Et je commence à en avoir marre de leur chicanes puériles, et de la situation dans laquelle ils me placent.

Et pour couronner le tout, voilà que le syndic de leur ordre professionnel veut me rencontrer.

Alors je lui dit merde. Et à eux aussi.

Demain, je préviens mon patron que je ne veux plus rien savoir de ce dossier, que ça lui plaise ou non. Et si le syndic vient me voir, je l'envois paître. Je préfère mille fois un dossier pour insubordination qu'une poursuite au civil si je me retrouve encore mêlé à leurs histoires de merde.

Toute cette histoire m'a laissé grincheux. J'ai vu Consoeur aujourd'hui, et je n'ai pu que constater encore une fois que je suis probablement la seule personne dans tout l'édifice qui n'a plus le droit d'échanger et de rire avec elle.

Et puis je me sens rejeté par le milieu diariste aujourd'hui. Ça, je le sais, c'est le summum de la connerie de ma part. Mais que voulez-vous, je suis dans cet état présentement, même si c'est totalement irrationnel. Faut croire que je suis encore sur le coup du courriel dont j'ai parlé dimanche passé, et ce même si cette lectrice m'a réécrit pour s'excuser. Au fond, je ne lui en veut pas bien sûr. Elle est humaine, nous le sommes tous, elle vivait des choses, et elle m'a éclaboussé en passant. Bon. Elle aussi, je suppose, elle doit apprendre à vivre en faisant du mal à ceux qu'elle aime, ce que j'essaie moi-même d'apprendre depuis longtemps. Alors comment lui en vouloir.

Mais bon. La blessure est là quand même. Elle se refermera éventuellement. J'ai la couenne dure après tout.

Mais entre-temps, les effets sont là. Je laisse traîner mes courriels en souffrance, je ne lis plus certains de mes diaristes préférés. Et je songe même cesser définitivement de lire l'une de celles qui me plait le plus.

Il y a neuf ans de cela, j'ai coupé tout contact avec le reste de l'humanité parce que j'en avais marre de blesser et d'être blessé. Aujourd'hui, j'ai choisi de me rouvrir au monde après avoir réalisé que j'avais plus à gagner qu'à perdre. Mais j'aurais été stupide de croire que les blessures que cela me causait il y a neuf ans allaient miraculeusement arrêter si je recommençais à avoir une vie sociale.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]