5 mars 2001

La température dépasse encore le point de congélation chez moi en ce moment. Ça faisait du bien aujourd'hui de voir fondre cette saloperie de neige ! Je me suis surpris à rêver au printemps, à ce soleil perché haut et fier dans le ciel, aux oiseaux qui gazouillent, aux premières plaques de pelouses que la neige fondante révèlent, aux grenouilles qui commencent à chanter... bref à toutes ces merveilles de la nature qui illuminent chacune de mes journées, mais dont je ne parle presque plus ici depuis que l'hiver a commencé à nous asphyxier sous son lourd manteau blanc, son linceul froid et mortel...

Avec les mois, venir écrire ici est devenu un plaisir sans cesse grandissant. En toute honnêteté, je peux affirmer que ce journal ne m'a apporté que du positif à date. J'ai bien reçu un nombre négligeable de courriels blessants, mais ce n'est rien en comparaison du nombre incroyable de messages de sympathie, de compassion, d'encouragement et d'amitié qui ont transité dans ma boîte postale au fil des mois.

Je me rappelle avoir déjà dit à Lolita que ce que j'essayais d'accomplir grâce à ce journal, c'était d'en arriver à atteindre l'acceptation de moi-même par cette mise à nue de l'âme, comme jadis la mise à nue de mon corps m'avait permis de faire pour celui-ci.

Dans quelques semaines ce sera le premier anniversaire de ce journal. Qui l'aurait cru ?

À pareille date, l'an passé, je n'existais pas pour aucun d'entre vous, à l'exception de Lola et France. J'étais alors enlisé dans une profonde dépression. Vous m'auriez croisé dans la rue, vous m'auriez côtoyé au travail, que vous n'en auriez rien su. Et moi, entouré de gens du matin au soir, je me sentais désespérément seul, isolé, abandonné... comme un spectateur impuissant de ma propre vie.

Ce soir, je vais faire quelque chose que je fais rarement: je vais vous proposer une petite activité.

Pour les prochains jours, alors que vous vaquerez à vos activités quotidiennes, au lieu de vous perdre dans les méandres de vos propres réflexions, essayez de vous ouvrir au monde autour de vous. Prenez la peine de regarder ces gens qui passent dans la rue, au travail, ces inconnus que vous ne reverrai sans doute jamais. Parmi tous ces passants, il y a des gens comme vous, comme moi, avec leurs joies, leurs peines, leurs angoisses, leurs craintes, leurs espoirs; des gens qui jouissent et des gens qui souffrent. Essayez d'imaginer ce que chacune de ces personnes pourrait bien écrire dans son journal intime le soir venu. Derrière chacun de ces visages anonymes se cache un être humain, avec tout son bagage d'expérience, de vie, de bonheur et de malheur.

Ouvrez-leurs vos bras, tendez-leurs la main, dites-leurs qu'ils existent...

Combien de vies pourrions-nous sauver ainsi...


[jour précédent] [retour] [jour suivant]