17 mars 2001

Que d'émotion aujourd'hui, que de tourmente...

Dès mon réveil ce matin, la peur s'est insinuée insidieusement dans mon esprit. Dès que j'ai ouvert les yeux, ma première pensée fut pour Lectrice. J'ai repensé à notre conversation téléphonique de la veille. Je me suis vite replongé dans l'esprit de cet échange. J'entendais encore sa douce voix chaude, je pouvais presque sentir son souffle dans mon oreille alors qu'elle me murmurait des mots doux.

Puis, toutes ces peurs, toutes ces craintes, toutes ces angoisses commencèrent à refaire surface en moi. J'ai commencé à douter, à m'interroger sur le bien fondé de ce dans quoi nous nous engagions. J'ai commencé à me dire, que j'allais trop vite, que je ne la connaissais pas, que j'étais en train de craquer pour une image que je me suis construite en connectant l'ensemble de points que représentent ses écrits, ses photos et sa voix...

Peur de lui mentir sans le vouloir, peur de me tromper sur ce qu'elle représente pour moi, peur de l'exciter, de l'allumer, de la rendre folle de moi, que pour mieux la décevoir, la laisser tomber, la blesser...

Elle m'a rappelé cet avant-midi. Dès que j'ai entendu le son de sa voix, mes craintes se sont envolées, ce petit nuage a commencé à se former sous mes pieds.

Quatre heures. Quatre heures qui ont passé comme un coup de vent. Quatre heures durant lesquelles je me suis tenu debout à deux pieds sur la pédale de frein.

Tout ce que j'aurais voulu lui exprimer, lui dire, lui faire...

Il y avait des siècles que je ne m'étais pas senti si ouvert, si libre, si bien avec quelqu'un. Malgré mes réticences, mes peurs, mes angoisses, je ne me suis jamais senti aussi lucide, aussi conscient des conséquences possibles, bonnes et mauvaises, devant la possibilité d'engager une relation. Et cette réciprocité, cette chère réciprocité que je n'ai jamais connu auparavant, je la sentais cette fois bien réelle, bien palpable. Au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient, ma pudeur s'effritait. Chaque phrase que j'osais prononcer était d'abord accompagnée d'une légère crainte, d'une peur que ce que je dise soit mal perçu, inapproprié ou déplacé. Mais au contraire, tout ce que je lui disais ne faisait que lui plaire et l'exciter davantage. C'était comme un rêve qui prenait forme lentement.

Même les silences ne nous dérangeaient plus, comme de vieux amis qui se connaissent depuis toujours. Quand nous n'avions plus rien à dire, nous nous taisions, contents de tout simplement pouvoir sentir l'autre près de soi. Je profitais de ces pauses pour fermer les yeux, la prendre dans mes bras, la serrer tout contre moi, presser tout doucement ma joue contre la sienne.

Et puis il y avait cette tension sexuelle, cet incroyable désir qui ne faisait que grandir et grandir...

Nu sous mes draps, l'acoustique à la main, je ne faisais que bouger dans tous les sens, incapable de me trouver une position confortable. Mon corps refusait le contact de ces draps froid, il avait soif, il réclamait la chaleur de son corps, la caresse de sa peau.

Nos propos glissaient de plus en plus vers le sexe. Par le son de sa respiration, par le ton de sa voix qui devenait de plus en plus douce, de plus en plus inaudible, presque comme un murmure, je pouvais sentir son désir monter. Quand à moi, mon membre se gorgeait de sang, une étrange pudeur l'empêchant encore de se rendre jusqu'au bout, de s'abandonner totalement à l'excitation que me procurait cette douce folie.

Douce folie... voilà comment nous qualifiions souvent ce que nous étions en train de vivre.

Au moment de nous quitter, il était très clair entre nous qu'au moment même où l'acoustique allait être reposée sur son socle, nous allions immédiatement commencer à prodiguer à nos corps toutes les caresses que nous rêvions de nous faire et auxquelles nous refusions de nous abandonner alors que nous étions toujours en ligne, de peur que ce soit aller trop loin, trop tôt, trop vite...

Comment ai-je fait pour raccrocher ce téléphone, je ne le sais toujours pas.

La ligne avait beau être coupée, nous étions encore ensemble en esprit. J'écartai mes draps, révélant mon corps nu à ma vu. Je commençai à poser mon regard sur moi-même, à m'examiner, à m'interroger, à me demander si ce corps était à la hauteur de ses attentes, du fantasme qu'elle s'était créée. Et plus je le regardais, plus je le parcourais de ma main, plus j'osais me permettre de croire que oui.

Je me caressais lentement, doucement, tendrement. J'observais attentivement mon sexe complètement en érection. Voulant prolonger le plaisir au maximum, il m'arrivait souvent de faire des pauses, où je regardais alors mon pénis tressaillir imperceptiblement à chaque battement de mon coeur. Puis je le reprenais en main, imaginant que c'était ses doigts à elle qui allaient et venaient ainsi de haut en bas le long de ma hampe. Et puis ce plaisir, cette extase montaient, montaient... montaient en moi, jusqu'à cet orgasme qui secoua mon corps et m'arracha un long soupir de jouissance...

Cette chaude semence que chaque spasme orgasmique faisait jaillir avec force de mon sexe, j'aurais tant voulu lui offrir, en couvrir son corps, son ventre, sa poitrine...

Nous allons nous faire mal, très mal dans cette relation. Car oui, il y aura relation. Aucun doute possible maintenant. Quelle forme prendra-t-elle, nous ne pouvons le dire encore. Les possibilités sont assez limités. Une chose est sûre maintenant: elle ne sera pas platonique. Je n'ai pas l'intention, ni à court ni à moyen terme, de partir d'ici. Elle, elle vit à Montréal, à plus de trois cent kilomètres de chez moi, et n'a elle non plus aucune intention de quitter sa ville.

Cette douleur anticipée me fait peur. Très peur même. Pour être franc, elle me terrifie. Mais je me suis rappelé, presque comme un réflexe maintenant, qu'une des plus grandes décisions que j'ai prises durant la dernière année est justement d'apprendre à affronter mes peurs.

Et une fois de plus, c'est ce que je ferai. Cette fois, ce ne sera pas la peur qui m'arrêtera. Pas la mienne en tout cas. Les possibilités de plaisir sont trop grandes pour les laisser passer, comme je l'ai toujours fait durant toute ma vie.


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