24 mars 2001

Douces tortures.

Voilà ce que je me fais subir ces temps-ci.

D'abord Lectrice.

La sonnerie du téléphone hier soir. Une voix douce et chaude, mais un peu fatiguée d'une dure semaine de labeur. Une voix qui me fait frissonner. Une douce complicité. De longues minutes d'une intimité aussi douce qu'incroyable, entre deux êtres qui ne se connaissent pas. Elle me dit que je suis adorable, que je la fais rire beaucoup, et frissonner un peu. Un doux moment, trop court, ou trop long, où nous nous faisons de douces caresses avec nos mots. Puis, il faut raccrocher. Déjà. Trop tôt. Toujours trop tôt. Durant ces moments magiques, mes angoisses s'envolent, et j'ose y croire.

Plus tard en soirée, rencontre virtuelle sur le chat. Quelques mots sur un écran suffisent à nous exciter. Mon sexe palpite, le sang monte à mes joues. Mais je ne veux pas m'engager sur la pente dangereuse du cybersexe. Pas avec elle. Déjà vécu l'expérience il y a quelques années de cela. Je ne regrette rien, mais ne veut plus la revivre. Ce n'est pas ce genre de caresse que je veux. Je la veux ELLE. Je veux sa chair, sa peau, sa moiteur, ses cris... On se fixe une heure pour nous caresser, et une heure pour jouir. Pas très romantique, mais au moins nous jouirons ensemble, en pensée. C'est tout ce que nous pouvons nous offrir pour l'instant.

Autre douce torture. Un site qu'une autre lectrice m'a fait découvrir. Je m'en régale, je m'en délecte, je le savoure depuis deux jours. Une douce poésie sensuelle qui me donne des frissons. Je dois même m'en éloigner à l'occasion, tant le plaisir qu'il me procure me fait mal par son intensité.

Je lis trop la vie des autres. J'en perd de vue la mienne. L'envie me dévore. Je voudrais vivre toutes les vies. Mais c'est impossible. Ma vie parait si pâle, si terne, si moche en comparaison. Mais c'est ma vie. C'est la seule que je peux vivre. Et c'est la seule sur laquelle j'ai du pouvoir. C'est à moi d'en faire ce que je veux. Mais le temps presse, les années passent, je suis impatient. Très impatient. Trop peut-être. Lectrice le sait bien. Mais elle n'est pas la seule. Envie de vivre toutes les aventures, de voir tous les pays, de séduire toutes les femmes, de connaître tous les plaisirs de l'esprit et de la chair.

Soif de vivre.

Si vous pouviez me voir en ce moment. Complètement négligé. Pas rasé depuis une semaine. Ma barbe ne pique plus maintenant, elle est trop longue. Elle est presque douce au toucher, et parsemée de poils gris. Ma barbe, plus que toute autre partie de mon corps, trahit mon âge. Je devrais me raser plus souvent.

C'est ce que je ferai tout à l'heure en sautant dans la douche. La peau de mon visage sera douce, propice aux caresses. Mais personne n'y aura droit.


Voilà. Je suis douché et rasé. Mes cheveux sont lavés. Je sens bon, je suis tout propre, tout beau. Oui, je suis beau. La peau de mes joues est toute douce. Je me plais à la caresser moi-même, à l'occasion, de même qu'à passer ma main dans mes courts cheveux. Je serai seul à profiter de cela ce soir. J'ai invité Copine et Salma à venir prendre un verre chez moi ce soir, mais elles ont un empêchement. Lolita est retournée à Montréal tout à l'heure. J'y serais bien allé avec elle, juste pour que nous puissions passer un peu de temps ensemble et échanger quelques confidences. Mais sa tante lui avait déjà offert de l'embarquer. Nous avons parlé un peu au téléphone cet avant-midi. Elle m'a invité, de même que Copine et Salma, à monter la voir dans deux fins de semaines, probablement pour la dernière fois avant qu'elle quitte Montréal pour de bon.

Avec ma chance, ce sera cette fin de semaine que Lectrice choisira pour m'inviter pour notre première rencontre.

Ce soir, je serai seul. Je prendrai une bière, ou un verre de vin, peut-être deux, et j'essaierai de réparer ma télé. Ce n'est qu'une machine après tout. Elle ne devrait pas me résister très longtemps, elle.

Ben voyons Laqk ! C'est samedi soir ! T'as qu'à sortir un peu !

Sortir... Non. Pas vraiment. Me retrouver dans un lieu public entouré de monde ne changera rien à ma solitude. Les femmes que j'aime sont toutes loin de moi, en distance ou en pensée. Ou les deux.

J'envie ces femmes qui sont toujours approchées, sollicitées, désirées, et qui n'ont qu'à faire leur choix parmi tous ces prétendants. Je n'ai jamais eu de doute quand à mes identité et orientation sexuelles. Je suis un homme, et j'aime les femmes. Mais pour certaines choses, j'aurais aimé être de l'autre côté de la clôture. Dans le jeu de la séduction, je préfère le rôle féminin. J'aime me faire regarder de loin, me faire désirer. J'aime qu'une femme m'approche, m'aborde, prenne l'initiative. J'aime que ce soit à elle de me séduire. Probablement parce que je suis insécure, et que j'aime sentir qu'on me désire.

Voilà pourquoi, bien que j'aime flirter, je préfère qu'une femme flirte avec moi. Ça me fait un petit velours, ça me flatte, ça me fait du bien. C'est comme une douce caresse sur mon ego dont je me délecte.

Je n'ai jamais eu d'aventure d'un soir, avec une inconnue rencontrée dans un bar ou autre lieu. Mais rares aventures sexuelles ont toujours eu lieu avec des femmes que je connaissais déjà et avec lesquelles j'avais une certaine forme de complicité. Pas que je sois incapable de séparer sexe et amour. Je peux baiser pour baiser, pour le seul plaisir du sexe. Je peux baiser sans amour, mais pas sans émotion. Voilà pourquoi il me faut toujours un lien avec l'autre, un pont que peuvent emprunter toute l'émotion, la passion et la jouissance que je veux partager avec l'autre.

Je peux avoir une amoureuse, une amante, mais pas une aventure avec une inconnue. Il doit y avoir eu une sorte d'échange, de partage, de complicité avant.


Ma tentative de réparer ma télé a échoué. Qu'adviendra-t-il de moi si je perd le tour même avec les machines maintenant. Au moins elle n'est pas pire qu'elle était. Sauf qu'elle est sur le plancher, et que je dois la replacer dans le meuble et rebrancher tous les fils. Quelle activité divertissante pour un samedi soir.

Ma bière est bonne. Je sens un tout petit feeling. Oui oui, après une seule bière. C'est une 6.5% quand même. Au poids que je fais, une seule bière a toujours suffit à endormir mes angoisses. Thérapie peu coûteuse. Surprenant que je ne sois jamais devenu alcoolique. Mais je dois toujours faire attention lorsque je dois prendre le volant.

Je ne me sens pas mal. Ni bien. Je me sens engourdi. Voilà. C'est bien. Lectrice se connectera-t-elle ce soir ? Je l'ignore. J'aimerais bien. Mais je ne me fais pas d'illusion. Elle est jeune, belle, désirable et désirée. Elle sortira sûrement un samedi soir, se fera aborder par plusieurs hommes séduisants. Du peu que je sais d'elle, je peux quand même dire qu'elle résistera difficilement aux invitations.

Elle m'a affirmé que depuis qu'elle me connaît, même lorsqu'elle passe la nuit avec un homme, c'est sur moi qu'elle fantasme.

Et c'est supposé me rassurer ça ?

Elle ne me doit rien.

Je ne lui doit rien.

Nous nous sommes entendus ainsi.

Mais combien de temps cette entente nous conviendra-t-elle ?

Combien de temps pourrons-nous encore faire attendre l'amour sur le perron de la porte ?


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