29 mars 2001

Je ne vais pas bien ce matin.

Ce n'est pas un mal désincarné, comme d'habitude. J'en connais très bien la cause.

Je semble totalement incapable de ne pas faire du mal à ceux que j'aime.

Un exemple: cette lectrice que je suis allé visiter en janvier. Je m'inquiétais depuis quelque temps de son silence. Je lui ai demandé des explications, explications qu'elle m'a fournit ce matin. D'abord elle vit beaucoup de choses sur le plan personnel et professionnel en ce moment, ce qui explique en grande partie la froideur dont elle faisait montre à mon endroit. Mais il y a plus que cela. Il semble que nous nous soyons mal compris sur un détail de sa vie personnelle. De plus, j'ai passé un commentaire imbécile qu'elle a prit plus mal qu'elle n'a voulu le montrer. Résultat: au lieu du beau souvenir que je garde moi de cette visite, elle en garde plutôt un léger goût amer. Suffisamment amer pour ne pas désirer renouveler l'expérience. Chic n'est-ce pas ? Voilà sûrement qui va contribuer à encourager d'autres de mes lectrices à me rencontrer en personne...

Je pourrais vous donner d'autres exemples. Ils sont légions.

Vous avez sûrement déjà joué à ce jeu où vous devez répondre à la question "Si vous étiez un animal, quel animal seriez-vous ?". Et bien moi j'ai trouvé la réponse ce matin. Ça m'est venu comme une révélation.

Un porc-épic. Voilà ce que je suis.

Une pelote d'épingles ambulante. Toute comme un porc-épic, je suis un paisible végétarien, tranquille, inoffensif, presque mignon, qui ne recherche rien de plus que de faire sa petite vie sans causer de problème à personne. Mais dès que j'ai le malheur de laisser quelqu'un m'approcher de trop près, je le transperce de mes épines acérées qui s'incrustent dans sa chair et lui infligent d'atroces souffrances.

Peut-on imaginer pire cauchemar que d'être incarné sous la forme d'un porc-épic dont la plus grande phobie est de faire du mal aux autres, et d'être en plus affligé d'une soif insatiable d'amour, de tendresse, de caresses et de câlins ?

Voilà ce qu'est mon existence, mon Karma. Voilà ce avec quoi je dois vivre chaque minute de chaque heure de chaque jour de ma vie.

Bordel de merde. Tout ce que je veux c'est faire du bien à ceux que j'aime. Pourquoi est-ce une tâche si difficile à maîtriser pour moi ?

Je dis souvent ici que je vous aime tous. Et je le pense, du plus profond de mon être. Mais ai-je vraiment raison ? Est-ce vraiment une faveur que je vous fais ? Combien de temps s'écoulera-t-il avant que je fasse du mal à ceux et celles d'entre vous auxquels je n'en ai pas encore fait ? Ne serais-je pas mieux de tout arrêter, de fermer définitivement ce journal et de couper les ponts avec vous tous de façon à vous empêcher définitivement de me contacter, et ce malgré les conséquences négatives que cela aurait pour moi ? Ne serait-ce pas là le plus grand geste d'amour que je pourrais faire à votre endroit ?

Si je vous aimais tant que ça, je ne vous empoisonnerais pas l'existence avec mon amour vitriolique.


Ce que j'ai écrit ce matin ne l'étais pas seulement sur le coup de l'émotion et du découragement du moment. Dans l'intérêt de tous, je songe sérieusement à fermer mon journal. J'ai blessé plusieurs personnes à date, et il n'y a aucune raison que ça s'arrête là. Je suis en train de me préparer à le faire à une autre lectrice d'ailleurs, à moins que je ne m'arrête à temps. Nous échangeons quelques courriels coquins depuis deux semaines environ. Il y a quelques jours le chat est sorti du sac. Je lui ai proposé une rencontre, elle a accepté l'idée avec enthousiasme. De plus, il est clair entre nous que nous envisageons la possibilité d'une aventure, si affinités.

Mais que se passera-t-il si elle ne me plait pas ? C'est malheureusement très probable, car je me connais. L'apparence physique revêt une grande importance pour moi en ce qui a trait à la sexualité. Et j'ai la réputation d'être assez difficile. Alors comment réagira-t-elle lorsqu'à la fin de la soirée, je lui ferai la bise sur la joue avant de la quitter et qu'elle comprendra alors qu'elle ne m'a pas allumé ? Peut-on imaginer vivre quelque chose de plus humiliant ? Bien sûr, me direz-vous, elle est une femme mature qui connaît les risques; elle sait dans quoi elle s'embarque. Mais savoir à quoi s'attendre ne l'empêchera pas d'être blessée par ce rejet, si rejet il y a.

Et moi, au lieu d'agir en adulte responsable, j'ai joué le jeu de la séduction, j'ai répondu à ses petits commentaires suggestifs qui me charmaient, sans penser aux conséquences pour elle comme pour moi.

Inutile de dire que je ne suis pas fier de moi.

Je ne sais pas ce que je vais faire de mon journal. Je me laisse encore du temps pour y penser. Ce serait stupide de jeter le bébé avec l'eau du bain, de mettre fin à une expérience qui m'a tellement aidé à grandir, à évoluer, à me découvrir moi-même. Car oui, ce journal m'a apporté énormément de positif. Il m'a permis de retrouver l'espoir, le goût de vivre.

Un changement de formule peut-être. Je pourrais recommencer à zéro, sous un autre pseudonyme, mais sans adresse de courriel cette fois, afin d'empêcher qui que ce soit de me contacter, leur évitant ainsi la douloureuse expérience de mes épines acérés. Bien sûr je me priverais également de la richesse inestimable du "feedback" de mes lecteurs et lectrices, mais bon. On ne peut tout avoir.

Je vais penser à tout ça dans les prochains jours.


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