17 novembre 2001

Je me force à écrire ce soir. Vraiment. Car je n'en ai absolument pas envie. Car je suis en train de vivre des choses qui me font perdre la foi en la communication elle-même, que ce soit de vive voix ou par l'entremise de ce journal.

Et que si je ne me force pas, si je laisse cet état d'esprit perdurer dans les jours à venir, je n'aurai d'autre choix que de remettre en question la pertinence même de cette démarche diaristique.

Car la vérité est que je me sens toujours profondément isolé, incapable de partager ce que je vis ou ressens, autant en bien qu'en mal, car presque toutes les personnes à qui je pourrais me confier sont directement ou indirectement impliquées dans ce que je vis, et les autres s'en fouent.

Mais ne dit-on pas que l'appétit vient en mangeant ? Alors here goes...

C'est fou comme deux soirées, espacées de vingt-quatre heures seulement, peuvent se dérouler de façon complètement différente.

J'ai passé la soirée d'hier chez Lolita, à essayer tant bien que mal (et sans succès) de ramener à la vie l'ancien ordinateur que sa soeur lui a refilé. Et comme, en informatique, il nous manque toujours une chose, et que c'est toujours la chose dont on a besoin, et bien nous n'avons pas fait beaucoup de progrès. Qu'à cela ne tienne, nous avons terminé la soirée par une belle conversation agrémentée de beaucoup de confidence et d'intimité. Elle s'est confié à moi concernant son expérience avec son ami de Montréal. J'aurais cru que ce genre de conversation me ferait mal, mais pourtant non. J'aimais ce que je ressentais pour elle hier soir, j'aimais la chimie entre nous. C'était sain, rien d'obsessif ou de compulsif. Je lui parlais ouvertement du désir que je ressentais pour elle; elle, par deux fois, a souligné les ressemblances physiques entre son ami de Montréal et moi, comme pour observer ma réaction. Ce dont j'avais l'impression, c'est que nous préparions tous les deux le terrain pour faire comprendre à l'autre que nous aimerions tenter l'expérience de partager ensemble quelque chose d'affectif et possiblement aussi de sexuel. Mais, n'étant jamais vraiment sûr de ce que l'autre pense, aucun d'entre nous n'a osé se mouiller.

N'empêche que je me suis vraiment senti le bienvenu auprès d'elle hier soir, et que je suis arrivé chez moi le sourire aux lèvres et le coeur joyeux.

Ce fut une toute autre histoire ce soir.

Elle m'avait invité à souper chez elle, de même que Salma. Je devais prendre une heure ou deux pour continuer ce que je n'avais pas pu terminer sur son ordinateur hier soir, puis nous aurions terminer la soirée une bière à la main devant un bon film.

Elle avait aussi invité son associé, un homme que je n'ai vu qu'une fois par le passé (chez Hôtesse2) mais avec qui je m'étais fort bien entendu. Tout s'annonçait donc pour le mieux.

Et la soirée commença effectivement de façon très agréable. Mais à mesure que le temps passait, je me sentais de plus en plus mis à l'écart. Ils commencèrent à partager des souvenirs de quelques ateliers de croissance personnelle auxquels ils ont participé ensemble. N'ayant jamais vécu ce genre d'expérience, encore moins avec eux, la dynamique de groupe se mua bientôt en conversation à trois, dans laquelle je n'avais plus vraiment ma place.

Je me retirai bientôt du groupe pour aller finaliser quelques menus détails sur l'ordinateur de Lolita. C'était la seule chose pour laquelle je me sentais encore utile. Lorsque Salma et l'associé parlèrent de partir, je profitai de l'occasion pour tirer ma révérence et revenir chez moi, en broyant du noir.

Le groupe veulent absolument organiser quelque chose pour mon anniversaire et celui de Copine, qui sont très près l'un de l'autre. Jusqu'à tout récemment l'idée me plaisait, de même que la possibilité d'y inclure Lola, que je pourrais ainsi présenter à tous pour la première fois. Mais de la manière dont je file en ce moment, j'ai plutôt envie de tous les envoyer paître.

Et puis je dois avouer que je suis un peu frustré de l'indifférence totale et absolue dont Lolita fait toujours montre à mon endroit chaque fois que ce genre de situation se présente. On a beau dire qu'il est de notre responsabilité de faire sa place dans un groupe, n'empêche que les participants pourraient avoir le plus élémentaire savoir-vivre de ne pas sciemment choisir un sujet de conversation duquel ils savent pertinemment qu'une personne se sentira exclue, et ce peu importe à quel point ce sujet les passionne.

Lolita semblait un tantinet irritée, lorsque je suis parti, devant le peu d'enthousiasme dont je faisais montre à l'idée de la soirée qu'ils veulent nous organiser, à Copine et à moi. Mais je n'avais pas envie de partir une polémique devant la visite. De plus en plus souvent, je me sens obligé avec eux de porter un masque, de jouer un rôle, de faire le bon garçon et de m'abstenir d'exprimer les émotions négatives que je pourrais ressentir. Ce n'est pas moi. Bien que je progresse beaucoup, j'ai encore beaucoup de rage et de ressentiment en moi, et je revendique le droit d'exprimer cette rage quand je la ressens.

Encore une fois, je suis tombé dans le panneau de m'aliéner ce que je suis pour me reconstruire une vie sociale.

Il n'y a qu'une seule personne avec qui je me sens totalement libre d'être moi-même, d'être qui je suis, et d'exprimer toutes les émotions, bonnes ou mauvaises, que je ressens et quand je les ressens. Et cette personne est Lola. Et c'est avec elle que j'ai envie de franchir le cap de mes quarante ans d'existence. Alors si je m'écoutais en ce moment, je les enverrais tous paître et je ferais quelque chose de mon côté, seul avec Lola. Ils n'auront qu'à dire qu'ils fêtent l'anniversaire de Copine seulement. Elle en vaut largement la peine à elle seule. Quand à moi, je trouverai bien une défaite, une excuse pour justifier mon absence qui m'évitera de leur donner les vrais raisons qu'ils ne voudraient pas entendre de toute façon.


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