11 octobre 2001

Cette douce journée d'automne aurait mieux fait de tomber un samedi ou un dimanche. Quoi qu'il en soit, j'en ai quand même profité un peu ce midi, après le dîner. J'ai pris une longue marche dehors, sous le soleil radieux. Pas la moindre brise ne soufflait. Le fond de l'air était chaud, et la qualité de l'éclairage nous donnait presque l'impression d'être en été.

Quelques grillons profitaient de ce regain de chaleur inattendu pour se dégourdir les ailes un peu. Bientôt, ils devront s'enfouir profondément dans la terre en prévision de l'hiver. Le soleil brillait de tous ses feux et sa lumière rehaussait merveilleusement les splendides couleurs d'automne qui ornent les feuilles des arbres.

Alors que je marchais sur le bord de la route, un mouvement attira mon attention dans une flaque d'eau trouble constituée par une ornière creusée par les pneus d'un camion dans la boue bordant l'asphalte. Je me suis penché pour regarder de plus près, et j'ai aperçu une petite punaise d'eau qui nageait par petits coups de ses deux longues pattes arrières semblables à des rames. Glissant dans cette eau boueuse, elle semblait explorer systématiquement les bords de cette flaque, contournant chaque caillou, se glissant sous chaque feuille morte, probablement à la recherche d'un petit quelque chose à se mettre sous la dent. Elle aussi devra bientôt penser à se préparer à hiberner pour la saison froide.

Je vis, du coin de l'oeil, deux demoiselles qui prenaient elles aussi une marche ensemble et qui s'avançaient dans ma direction. Je dois avouer que je me suis senti un peu gêné d'être accroupi ainsi devant une flaque de boue sur le bord de la route, et je me demandais ce qu'elles pouvaient bien penser de moi.

En continuant ma promenade je senti quelque chose se poser sur mon front. Passant ma main dans mes cheveux, je vis non pas une, mais deux coccinelles tomber sur le col de mon veston. Tout le long de ma marche je pouvais observer des nuages de ces petites bêtes qui voletaient en tout sens. Elles aussi se préparent pour l'hibernation. À cette période de l'années elles profitent habituellement des périodes de réchauffement comme aujourd'hui pour se regrouper en grand nombre en des endroits stratégiques où elles passeront l'hiver. Le porche d'entrée de l'appartement de Copine est l'un de ces endroits. À chaque année, elles s'y regroupent par plusieurs centaines. Heureusement que ces petits insectes sont mignons et inoffensifs.

Le destin fonctionne d'une drôle de façon.

J'ai passé plusieurs semaines sans même voir ne serait-ce qu'une mèche de cheveu de Consoeur. Depuis mardi, je l'ai croisé chaque jour. Hier je devais sortir sur l'heure du midi, et alors que je venais juste de quitter le bureau, je les ai croisé, elle et l'amant présumé, alors qu'ils prenaient leur marche quotidienne. Ce dernier m'a reconnu et a voulu me faire signe mais j'ai fait semblant de ne pas l'avoir vu. En temps normal je l'aurais salué car, comme je l'ai déjà dit, j'entretiens d'excellentes relations avec lui. Mais la présence de Consoeur à ses côtés m'a refroidi. C'est comme si je ne voulais pas qu'elle pense que je la saluais, elle. Après les avoir dépassé j'ai vu dans mon rétroviseur qu'elle avait tourné la tête et me regardait m'éloigner.

Et aujourd'hui j'ai failli lui rentrer dedans alors qu'elle tournait le coin du couloir. Nous avions une santé en l'honneur d'un de nos collègues qui nous a quitté pour un autre emploi (et oui, un autre). Je parlais avec un groupe de quelques personnes dont cette collègue avec qui je m'entend si bien. Notre conversation allait bon train et, comme à l'habitude, les rires fusaient à profusion. Lorsque le principal intéressé est entré dans la salle je suis allé lui adresser quelques mots. Sur l'entrefaite, Consoeur est entrée et est allée se joindre au groupe avec lequel j'étais quelques minutes auparavant. Quand j'ai voulu allé les rejoindre j'ai figé en la voyant. Elle et la collègue avec qui je m'entend si bien étaient d'ailleurs en grande conversation.

Et bien croyez-le ou non, je ne suis plus aller leur reparler jusqu'à mon départ, et ce même si je voyais à l'occasion la collègue avec qui je m'entend si bien me lancer à l'occasion des regards inquisiteurs.

Je sais, mon attitude est totalement puérile. Mais que puis-je faire d'autre ? Consoeur m'a tellement échaudé souvent et depuis longtemps que je ne veux tout simplement plus croire à la possibilité de renouer les liens avec elle. Je me suis souvent dit que je ne voulais plus jamais lui tendre la main ou faire un pas dans sa direction, que désormais je la laisserais venir à moi si elle voulait renouer. Mais je réalise que même la femme la plus décidée et la plus sûre d'elle (ce qui n'est absolument pas le cas de Consoeur) resterait totalement paralysée devant le mur de béton armé que j'érige entre nous. Pourtant, il était très clair, d'après son attitude de mardi à mon endroit, qu'elle est profondément désolé que les choses aient dégénéré de la sorte entre nous, qu'elle désire enterrer la hache de guerre, qu'elle aimerait pouvoir recommencer à entretenir de bons rapports avec moi. N'est-ce pas ce que je désirait ? Qu'elle fasse les premiers pas ? Qu'elle se mouille a première ? Et pourtant j'accueille ses timides tentatives de rapprochement avec une telle froideur qu'elle n'osera plus jamais rien tenter d'autre à l'avenir.

Je me suis souvent demandé par le passé à quel jeu elle jouait. Aujourd'hui, c'est à moi-même que je devrais poser cette question.

Il y avait une souper à la fin de la journée. J'aurais pu y aller et passer la soirée en bonne compagnie avec mes collègues. Mais je n'y suis pas allé, prétextant un mal de tête, ce qui était vrai. Mais au fond, je nourrissais l'espoir d'inviter Lolita chez moi ce soir pour reprendre cette soirée que nous avons du annuler la semaine passée. Je l'ai appelé et elle m'a apprise qu'Hôtesse2 était descendu de Montréal à l'improviste et qu'elles avaient envi d'aller prendre une marche en ville pour profiter de cette chaude soirée. Elle m'a bien demandé ce que je comptais faire de mon côté, mais cela ne ressemblait pas suffisamment à mon goût à une invitation à se joindre à elles, alors je suis resté ici. Comme elle n'est pas disponible en fin de semaine, la passant à son chalet avec sa famille, et que ma fin de semaine chez Alegria tombe également à l'eau, je me retrouve à nouveau devant rien. Et ils annoncent une fin de semaine douce en plus.

J'ai bien le goût de partir en camping tiens. Seul. Je suis bien la seule personne ces temps-ci qui ne me fausse pas compagnie.

Et en plus je réalise que ce doit être bien pénible pour les gens qui m'entoure se sentir que j'essais de mettre sur leur épaule le poids de la responsabilité de mon bien-être. Mais ce n'est pas de leur faute si ils ont une vie pleine et intéressante, contrairement à moi.


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