25 octobre 2001

Les réactions n'ont pas tardées. Et étrangement, elles abondent toutes dans le même sens.

Ne vous en faites pas mesdemoiselles; même si j'apprécie beaucoup votre délicatesse et le soin que vous mettez à ne pas froisser mes susceptibilités personnelles, sur ce point, vous n'avez pas à me prendre avec des pincettes.

Je ne sais que trop bien que vous avez raison.

Quand on entreprend une démarche personnelle et qu'après plus d'un an on n'a fait aucun progrès, il est temps de s'ouvrir les yeux, de réaliser que ça ne marche pas, de prendre son courage à deux mains et d'essayer autre chose.

Il y a longtemps que je parle d'aller consulter. Il y a également longtemps que je remet ça à plus tard, comme bien d'autres choses d'ailleurs.

L'argent était un argument non négligeable dans mon cas. Avec ma promotion, cela devient un facteur moins limitatif.

La raison principale, bien sûr, c'est que j'ai la chienne.

Mais il y a aussi une série d'autres raisons secondaires.

Entre autre, l'argent. Mais comme je l'ai dit plus haut, cela pèse moins dans la balance maintenant.

Aussi le fait que je sois un procrastinateur chronique.

Mais surtout, le fait que, avouons-le, je ne fais tout simplement pas confiance à la communauté des psychologues, sociologues, et autres "ologues". Je n'en ai jamais fréquenté ni connu personnellement, mais pour être franc, je suis loin d'être impressionné par leur discours en général. En fait, j'ai eu beau me renseigner et lire beaucoup sur les centaines d'approches et d'écoles de pensée différentes dans le domaine de la psychologie, à mes yeux, elles sonnent toutes faux, sans exception. Béhaviorisme, gelstat, psychanalyse, rebirth, etc. Tout ça ressemble plus à mes yeux à un paquet de belles théories sur le fonctionnement de l'esprit humain, qui vont et viennent au fil des années et des modes. Le docteur Spock, à son époque, était une sommité mondiale, et les gens adhéraient par centaines de milliers à ses théories sur l'éducation des enfants. Résultat ? Une génération complète de nord-américains presque entièrement constituée de mésadaptés sociaux ou de névrosés. Il y a aussi ce con, dont le nom m'échappe, qui clamait haut et fort que l'orientation et l'identité sexuelle d'un individu étaient entièrement déterminés par l'éducation, et que l'hérédité n'avait absolument aucun rôle à jouer là-dedans. Mais beaucoup de médecins, qui croyaient dur comme fer à ses théories, se baisaient sur elles au moment de pratiquer des chirurgies sur des nouveaux nés comportant des malformations des organes génitaux. Or, nous connaissons tous les conséquences humaines dramatiques que ces pratiques ont eu sur la vie de nombreux individus.

Il y a un point commun qui relie toutes ces théories psychologiques plus absurdes les unes que les autres: à l'époque, elles semblaient toutes pleines de gros bon sens.

Et aujourd'hui, les psychologues contemporains adhèrent à de nouvelles théories, à de nouvelles écoles de pensée, qui nous paraissent aujourd'hui tout aussi plausibles et pleines de bons sens. Et mon futur thérapeute suivra probablement l'une de ces écoles de pensée.

Au moyen-âge, on soignait certaines maladies en pratiquant la trépanation. Et croyez-le ou non, ça marchait dans certains cas.

Qui peut affirmer que les thérapies actuelles en psychologie ne seront pas vu dans cent ans comme aussi barbares et totalement ridicule que l'est la trépanation aujourd'hui ?

Je vous entend me dire "Ben voyons donc Laqk ! Bordel que tu compliques les affaires et que tu dramatises tout !"

Ben justement, ça fait partie de mon problème, de la raison pour laquelle je veux consulter.

Vous voyez le dilemme ?

La vérité, c'est que je doute toujours de la compétence de tout le monde. Pas seulement de celle des professionnels de la santé, mais surtout d'eux. Pourquoi ? Et bien disons que les vingt premières années de ma vie ne sont qu'une suite quasi ininterrompue de mauvaises expériences avec eux. En fait, j'ai acquis la santé inébranlable que je possède aujourd'hui le jour où j'ai arrêté de consulter toute sortes de pseudo-spécialistes.

Alors vous me voyez me lever, prendre mon argent, aller m'asseoir dans le bureau d'un psychologue, et m'en remettre entièrement à lui ou elle, mettre littéralement ma santé mentale entre ses mains, alors que je ne lui fais même pas confiance, que je crois au départ que, comme beaucoup d'autres professionnels de la santé auxquels j'ai eu à faire par le passé, cette personne risque fort de se fourvoyer royalement et de passer complètement à côté du vrai problème ?

Bref, j'ai peur qu'une thérapie, loin de m'aider, ne fasse qu'empirer les choses.

Et pourtant, il faudra bien que je trouve le courage de faire quelque chose, d'affronter ma peur.

Pourtant, si j'avais ce courage, alors je n'aurais plus vraiment de problème, de raison d'aller consulter.

Pas évident mon problème, n'est-ce pas ?


J'arrive de chez Lolita. Je suis passé chez elle sur le chemin du retour pour lui remettre les papiers concernant mon rôle pour le souper meurtre et mystère. Elle m'avait dit au téléphone qu'il se pourrait qu'elle ne soit pas là, et de laisser les choses dans sa boîte à courrier dans ce cas. Mais moi, j'étais sûr qu'elle ne serait pas là. Je savais bien qu'en dedans d'elle, elle est furieuse, déçue, et qu'elle préférait ne pas me voir la face.

Elle m'a dit qu'elle allait donner le rôle à son beau-frère. Ce dernier n'avait pas de rôle, et n'aurait donc pas pu participer au souper. Maintenant il pourra.

Ceux et celles qui commencent à me connaître savent très bien que je vais me taper ainsi sur la tête jusqu'à ce que le souper soit passé samedi prochain. J'avais cru au début qu'il y aurait une soirée après ce souper pour ceux qui n'y auraient pas participé, comme l'an passé, et j'avais l'intention de m'y rendre pour finir la soirée avec tout le monde. Mais apparemment, ce ne sera pas le cas. Il n'y aura pas de soirée post-souper. Alors finalement, je ne ferai rien samedi soir. Sauf rester chez moi à déprimer. À moins que je parte, que je prenne ma voiture et que je quitte pour la fin de semaine, que je me change les idées.

Elle m'avait choisi, m'avait donné la priorité sur son beau-frère, et je lui ai dit non.

J'ai peur de la perdre.


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