31 octobre 2001

Je n'ai jamais suivi une thérapie. Je n'ai jamais consulté psychologue ou psychiatre. Même si des gens de mon entourage m'en ont déjà parlé un peu, le fait est que je ne sais pas du tout à quoi peut ressembler une séance avec un thérapeute. Je ne peux que m'imaginer. Et pour m'imaginer, je ne peux que prendre pour base mon vécu personnel. C'est pourquoi, si je vais éventuellement consulter, je m'attend à me faire juger, à me faire dire que je suis normal ou non, à me faire faire la morale, à me faire dire que je ne suis pas correct d'être ce que je suis. Je sais que ce n'est pas le genre de chose que les thérapeutes sont supposés faire, mais je ne peux tout simplement pas imaginer ce qu'ils feraient d'autre, je n'ai aucun point de référence, je n'ai jamais connu aucune autre forme d'écoute de la part de qui que ce soit. Moi-même je ne suis pas capable d'offrir une autre forme d'écoute à mes amis. Je ne peux pas faire autrement que donner des conseils dans le meilleur de cas, ou faire la morale dans le pire. Je sais qu'il doit exister une autre forme de communication entre deux être, mais, faute d'expérience personnelle, je ne peux tout simplement pas imaginer quelle forme elle peut prendre.


D'aussi longtemps que je puisse me souvenir, je me suis toujours trouvé trop vieux. Lorsque j'ai eu vingt ans, c'était la fin du monde. Toutes les personnes que je fréquentais à l'époque étaient plus jeunes que moi. Je me disais que j'avais déjà vingt ans et que pourtant il y avait tant de choses que je n'avais pas eu le temps de faire et de vivre, j'avais l'impression d'avoir gaspiller ces vingt années. Comme vous voyez, ça ne date pas d'hier.

Et paradoxalement, j'ai toujours paru plus jeune que mon âge. À l'école, alors que les garçons de mes classes se rasaient depuis longtemps et commençaient à fréquenter les filles, j'avais encore l'air d'un gamin.

Je me rappelle, lorsque j'ai vu pour la première fois un de mes amis embrasser une fille à l'école, je me suis dit "Ah bon ? On est assez vieux pour ça ?". À cet âge, ça ne m'avait tout simplement jamais effleuré l'esprit qu'on pouvait commencer à s'intéresser aux filles.

Et aujourd'hui, je ne suis qu'à quelques jours de la quarantaine. Et il me semble n'avoir qu'à peine un peu plus d'expérience dans les relations homme-femme que quand j'ai embrassé ma première fille quand j'avais dix-huit ans.


L'un des membres de notre petit groupe est un grand farceur. Il adore mettre les gens dans l'embarras et observer leur réaction. Son plus jeune garçon, un bébé de six mois, possède le très désagréable trait de caractère de se mettre à hurler dès qu'on le met dans les bras de quelqu'un d'autre que son père ou sa mère. Même Copine et Lolita sont hésitantes à le prendre, ce qui n'est pas peu dire.

L'autre soir, peu de temps après mon arrivé à la soirée meurtre et mystère chez la soeur de Lolita, je parlais avec quelqu'un lorsqu'on me tape sur l'épaule. Je me retourne, et aussitôt cet ami me fout son bébé dans les bras pour ensuite me regarder avec un large sourire. Moi qui sait à peine comment tenir un bébé, je m'attendais au pire. Tout le monde, voyant ce qu'il venait de faire et connaissant le malaise que je ressens face aux enfants, retenaient leur souffle. Moi-même, je me préparais psychologiquement à entre l'enfant hurler et tendre les bras vers son père pour qu'il le reprenne.

Et bien non. Rien. Aucune réaction.

Moi, un peu maladroit, je continuais à le tenir dans mes bras. Quand à lui, il me regardait de ses grands yeux bruns dans lesquels je ne lisais ni peur, ni angoisse, seulement de la curiosité.

Tout le monde restait silencieux.

Le père, lui, était littéralement estomaqué. La mère aussi.

Finalement, après une minute, Copine lança une blague pour détendre l'atmosphère et Papa me repris son bébé des mains, affirmant pour rigoler qu'il savait maintenant qui appeler pour faire garder son enfant.

Bien sûr, je lui ai dit qu'il n'en était pas question.


Il neige. Ma galerie est toute blanche.


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