11 septembre 2001

À moins d'arriver tout droit d'un autre planète, difficile aujourd'hui de ne pas parler de l'évènement dont tout le monde parle de par le monde, dans tous les médias, sur toutes les chaînes de télé et de radio, dans tous les journaux, intimes ou non.

Difficile aussi de résister à la tentation de se servir de cet évènement pour pondre un beau texte et ainsi se faire du capital "diaristique", comme l'a d'ailleurs fait (capital politique celui-là) ce salopard de George W. Bush. Pour cette raison, j'ai bien faillit rester silencieux aujourd'hui, et ne reprendre que demain le fil de mes pérégrinations diaristiques.

Mais comment rester silencieux devant l'horreur dont nous avons tous été témoins.

C'est devenu trop facile de tuer de nos jours.

Nos ancêtres, lorsqu'ils avaient à tuer, devaient s'approcher de leur victime, qu'elle soit animale ou humaine, sentir leur souffle, écouter leurs hurlements de terreur et d'agonie, regarder dans leur yeux alors qu'ils en extirpaient la vie de leur propres mains, pendant que le sang de leur victime leur giclait au visage.

Ces gens, consumés par une haine qui avait effacé en eux toute trace d'humanité pour en faire des monstres, des machines à tuer, auraient-ils pu faire ce qu'ils ont fait, tuer tant de personnes, s'ils avaient eu à regarder dans les yeux de chaque mère, de chaque enfant, avant de leur trancher la gorge un à la fois, l'un après l'autre ?

Et comment en arrive-t-on là ? Comment peut-on laisser la haine envahir comme un cancer chaque parcelle de notre âme jusqu'à ce que plus rien d'humain ne subsiste en nous ?

Comment ? Facile... je l'ai vécu moi-même, en regardant à la télé les images de ces palestiniens chantant et dansant dans les rues, célébrant cette horreur, ce massacre. Et mêlés à cette foule en délire, des enfants, à peine adolescents, eux aussi chantant, dansant, scandant des slogans anti-américains, de la graine de terroristes, des futurs tueurs... et j'aurais eu envie de prendre l'un d'eux, de le regarder droit dans les yeux, de lui ouvrir l'abdomen d'un coup de lame, d'entendre ses hurlements d'agonie et de jouir en regardant sa misérable carcasse se vider de ses entrailles dans la poussière...

Ces hommes qui n'avaient plus rien d'humain et qui ont commis aujourd'hui ces actes immondes, ils avaient vécu pire que moi, ils avaient vu leur père, leur mère, leur frère, leur soeur mourir sous leurs yeux. Et eux aussi ils avaient vu leur révolte, leur douleur, leur rage se muer en haine. Et maintenant, ceux qui leur ont survécu sont en train de transmettre cette haine à la prochaine génération.

Comment pourrons-nous jamais imaginer vivre en paix un jour en voyant cela ? Et qu'est-ce que la paix au juste ?

La paix, c'est de sentir sur nos plaies le baume du bonheur que l'on ressent en voyant nos enfants jouer en toute sécurité dans la rue, sachant qu'ils ne connaîtront jamais la terreur, la souffrance et la haine.

La paix, ce n'est pas quand on cesse de souffrir. C'est quand on cesse de tuer.

La paix, c'est un choix.

Mais alors, comment la paix commence-t-elle ?

Peut-être la paix commence-t-elle par un homme qui refuse de regarder, avec la rage au coeur et la vengeance aux lèvres, un enfant qui ne conçoit tout simplement pas la portée de ce pour quoi il se réjouit et danse dans la rue.

Peut-être la paix commence-t-elle par un homme qui fait le choix d'accepter de vivre avec sa rage, sa révolte et sa souffrance, mais qui refuse de les transmettre à la génération qui le suivra, et qui fait le choix de les jeter dans le gouffre de l'oubli en les entraînant avec lui dans la mort lorsque son heure sera venue.

Peut-être la paix commence-t-elle par un homme qui fait le choix de ne pas laisser la haine lui voler tout ce qu'il y a de beau, d'humain et de divin en lui, et qui demande timidement et humblement à ceux et celles qui partagent sa vie au quotidien de trouver au fond d'eux-mêmes la force d'en faire autant...


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