13 avril 2002

Si vous pouviez me voir en ce moment !

J'ai passé un très bel après-midi, à faire de la raquette avec mon ami d'enfance sur des flancs de montagnes reculés et couverts d'une neige lourde et mouillée mais quand même étonnamment épaisse pour la saison. On dirait que seulement au printemps, alors que je sais que ces paysages vont bientôt disparaître, je puis vraiment en apprécier toute la beauté et le charme.

Mais j'avais oublié un détail...

Tout l'après-midi passé sous ce soleil printanier, rendu si éblouissant par cette couche de neige toujours aussi blanche et immaculée dans ces régions que j'en plissais des yeux malgré mes verres fumés, ce soleil dis-je, a coloré mon visage d'un beau rouge très seyant... à l'exception des zones recouvertes par les dits verres fumés, ainsi que par mon bandeau qui me cachait la moitié du front.

Bref, je fais dur. Et à moins que mes teintes ne s'uniformisent un peu plus d'ici quelques jours, je sens que je vais faire bien rire de moi lundi prochain en rentrant au travail.

Mais je m'en fous. Car cette teinte est la preuve indubitable que le printemps est enfin là.

En arrivant chez moi hier en fin d'après-midi, la première tache d'herbe était apparue sur ma pelouse. Cet après-midi, en revenant de ma randonnée, ma toiture était presque complètement débarrassée de sa neige, elle qui était encore d'un blanc uniforme ce matin. Les insectes sont sortis et se promènent partout, la rivière qui alimente le lac est gonflée et coule à flot, et canards, quiscales, merles et mésanges sont revenus du sud.

Il n'y a plus trace de neige sur ma galerie. J'ai précipité tout à l'heure par dessus la balustrade les quelques bandes de glace qui n'avaient pas encore succombé aux deux derniers jours de chaleur.

Dans à peine deux semaines je vais très vraisemblablement pouvoir faire mon premier tour de canot de l'année.

Insufflé d'une énergie nouvelle, j'ai finalement trouvé le courage de m'attaquer à mon grand ménage du printemps. J'en ai fait une partie ce matin et encore un peu ce soir, et même s'ils annoncent encore beau demain, je devrai m'astreindre à terminer tout ça. Je veux que cela soit réglé avant de m'attaquer une bonne fois pour toute à la construction de mon sauna. Ça devenait complètement ridicule. C'était vraiment sale chez moi, si bien que je commençais à m'y sentir mal moi-même (et pourtant, j'ai un seuil de tolérance très élevé dans ce domaine).

Hier avant-midi, nous avons pris notre première pause de l'année à l'extérieur. L'un de mes collègues essayait de m'entretenir de sujets qui ne m'intéressaient pas du tout et tout ce que j'arrivais à faire, c'était de regarder les mouches qui volaient un peu partout, en acquiesçant de temps en temps.

Et je dois avouer que dernièrement. Je me suis surpris à essayer d'attirer l'attention de l'organisatrice qui, à mon grand désarrois, s'occupe très peu de moi. Pourtant, je ne m'intéresse pas à elle à proprement parler. Je veux dire, je ne suis pas attiré par elle. Bien sûr, elle est très belle et charmante, et très gentille aussi, mais je l'ai toujours perçue depuis le début comme une simple amie, et cela n'a pas changé.

On dirait que j'ai quelque chose à me prouver avec cette femme. On dirait que j'ai besoin qu'elle me trouve intéressant et qu'elle aie envie d'être mon amie.

Parlant de femme...

J'ai été plutôt occupé hier, surtout en après-midi, et je dois avouer que je n'ai pas eu le temps de penser à la collègue avec qui je m'entendais si bien. Jusqu'à la toute fin de la journée néanmoins, où, alors que je me préparais à partir, j'ai soudainement penser qu'il s'agissait là de sa dernière journée, que son contrat était terminé. À cette heure, elle était déjà partie.

Durant les deux dernières semaines, nous ne nous sommes vus qu'une fois, jeudi, alors que je l'ai croisée par hasard et que je l'ai saluée simplement, avec un sourire, comme si rien d'anormal ne se passait. Je pouvais lire dans son regard une certaine part d'incompréhension alors qu'elle esquissait elle aussi un sourire en me retournant mes salutations.

Salut !

C'est le seul mot que nous avons échangé en deux semaines. Le dernier mot que nous avons échangé.

A-t-elle pensé à moi hier ? Espérait-elle me voir apparaître dans l'entrebâillement de sa porte, comme je le faisais si souvent avant, pour la faire rire, m'enquérir de ses futurs projets, lui souhaiter bonne chance dans sa carrière ?

J'ai vraiment un talent incroyable pour foutre en l'air en un instant une relation si agréable et qui baignait dans l'huile depuis plus d'un an. Mais cette fois je refuse de prendre toute la responsabilité de cette fin pathétique.

Enfin... Elle est partie. C'est terminé.

N'en parlons plus.


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