26 avril 2002

Cette semaine, je me suis fait plaisir. Pas d'ordinateur, pas de journal, pas de ménage. Chaque soir, je me suis offert un et un seul plaisir: je me suis tapé en ligne, de dimanche à hier soir, les reportages de l'Eco-Challenge 2001. Cette édition de la plus prestigieuse course d'aventure au monde avait lieu en Nouvelle-Zélande, et bon sang, ils n'ont pas lésiné sur les prises de vues spectaculaires de ces paysages absolument grandioses et magnifiques. J'en rêve encore. Si je vais en Nouvelle-Zélande un jour, je sais exactement par où commencer ma visite. Ce pays est vraiment le paradis des randonneurs, et ce, d'autant plus que, contrairement à sa voisine l'Australie, on n'y retrouve pratiquement rien de dangereux.

Ça m'a donné le goût de me remettre en forme et de m'y inscrire, tiens. Bien sûr, je vais devoir m'entraîner et prendre de l'expérience de la randonnée extrême pendant au moins deux ou trois ans avant de tout juste commencer à être d'un calibre suffisant pour ne serait-ce qu'avoir une chance de simplement finir la course...

Nikita m'a confié récemment, dans un courriel, qu'elle avait elle-même déjà songé il y a quelques années à former une équipe avec quelques autres de ses amis et d'essayer de participer à l'Eco-Challenge. Peut-être serait-elle ouverte à l'idée...

Comme tous les projets grandioses que j'ai fais par le passé, il y a une petite voix à l'intérieur de moi qui me murmure que je rêve en couleur. Mais en même temps, j'en ai tellement marre de toujours avoir jeté la serviette toute ma vie avant même d'avoir commencé le combat. Par contre, je dois me demander si c'est vraiment ce que je désire au fond, et si mon envie de me lancer dans une telle aventure n'est pas motivé plutôt par mon ras-le-bol de toujours avoir remis ma vie à plus tard, par cette impression constante d'avoir raté ma vie.

Pourtant, si je veux tenter une expérience du genre, c'est maintenant ou jamais. Après tout, j'ai quarante ans, et bien que j'aies un corps que je crois toujours parfaitement capable de s'élever à un niveau de condition physique suffisant pour me lancer dans une aventure pareille, il n'en demeure pas moins que cela ne durera pas encore bien des années.

Bien sûr, je devrais commencer par le commencement. Me racheter un vélo, et aussi de nouvelles chaussures de randonnée. Recommencer à bouger, à me remettre en forme, autant physiquement que mentalement, pour renverser le dépérissement causé par deux années de sédentarisme presque complet. Car je le sens, ce dépérissement. Ces douleurs récurrentes aux bras, aux jambes et au dos, ce manque d'énergie, d'entrain et d'enthousiasme, cette fatigue chronique; tous des symptômes que je sais ne pas être causés simplement par l'âge. Le plus vieux participant à l'Eco-Challenge avait cinquante-trois ans, et son équipe a terminé la course trentième sur un total de soixante-sept, ce qui est tout à fait honorable.

Reste la question de savoir si c'est ce que je veux vraiment.

J'ai beaucoup pensé depuis deux semaines. Des questions qui dansaient dans ma tête, depuis des années et des années, des questions flous auxquelles je n'arrivais qu'à trouver des embryons de réponse. Je n'en parlais pas ici, pas par peur, pas par pudeur, mais parce que le processus de mûrissement de ces questions était fragile et devait continuer à s'opérer comme il avait commencé, dans ma tête, et nulle part ailleurs.

Dimanche dernier j'ai fait une longue ballade en voiture. Très longue. Six heures de route au moins, à me promener de région en région, à parcourir les routes de campagne, souriant à la vue des voiliers d'outardes qui s'arrêtaient dans les champs pour se reposer et reprendre des forces, à rouler de village en village.

Chaque fois que ma route croisait une rivière, un champs, une montagne, une falaise, une nouvelle idée germait dans ma tête, un nouveau désir. Cayak, canot-camping, journées de plage ou de pique-nique, entre amis.

Mais quels amis ?

J'ai réalisé que ce n'était pas les projets, les envies, les désirs qui me manquaient. Chaque fois que je suis en contact avec la nature qui renaît, mille projets germent dans ma tête. Mais à chaque fois que je me projette dans l'avenir en suivant l'une de ces idées, je me frappe à un mur de brique.

Avec qui ? Avec qui ?

Il est là, mon problème.

Je travaille depuis de nombreuses années avec une femme avec qui je parle à l'occasion. Elle est mariée et a deux petites filles. Elle sait que je fais du nudisme, elle en fait aussi avec sa famille. Nous savons cela tous les deux depuis que nous nous connaissons. Elle m'a fait promettre de l'inviter à essayer mon sauna lorsqu'il sera complété.

Une autre de mes collègues, qui travaille dans le même bureau que moi et avec laquelle je ne parle pourtant que très rarement, partage la même passion que moi pour le plein air et le camping.

Une troisième collègue, qui n'a pas le câble mais qui a entendu parler de l'Eco-Challenge, m'a demandé de lui enregistrer le reportage cette semaine. Je lui ai remis la cassette aujourd'hui. Je peux voir ses yeux briller lorsque nous parlons ensemble de randonnée, de nature, de grands espaces.

Voilà des gens avec qui j'ai envie d'être, avec qui je peux partager mes projets, mes rêves, mes passions.

Et pour la plupart d'entre eux, je les connais depuis des années.

Mais pourquoi diable ai-je attendu si longtemps ? Pourquoi est-ce que j'attend encore ?

Copine, l'organisatrice, et d'autres collègues de travail se sont trouvés une passion commune pour l'escalade. Ont-ils attendus des années avant de se planifier des activités ensemble ? Bien sûr que non.

Serait-ce parce que je rejette systématiquement, par réflexe, tous les hommes, ainsi que les femmes non disponibles ?

Matière à réflexion.


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