8 décembre 2002
Je suis complètement épuisé ce soir. J'ai faim, mais je n'ai aucun appétit. J'ai envie d'écrire, mais plus la force d'organiser mes pensées. Alors si mon style littéraire laisse à désirer, vous devrez faire avec. J'ai passé tant de temps devant un écran d'ordinateur depuis les derniers jours que ma vue en est brouillée. Normalement, j'aurais attrapé un mal de tête carabiné avant d'en être rendu là, mais on dirait que mon corps ne me donne plus de migraine comme signal d'alarme puisque je les ignore de toute façon. Il trouvera bien autre chose pour me ramener à la raison. Il trouve toujours.
Mon sauna n'avance pas aussi vite que je le voudrais. Je devrais cependant être bon pour acheter tous mes matériaux cette semaine. Je n'ai cependant pas trouvé de céramique ni de robinetterie à mon goût pour mon coin douche. Pour cette dernière, il va de toute façon falloir que je prenne une décision avant de faire venir le plombier, et je dois faire venir celui-ci au plus tôt car tout le reste de la construction en dépend.
Aurais-je à temps tout ce qu'il me faut pour me consacrer à ce projet durant le temps des fêtes ? Je l'espère sincèrement. Je dois avouer que ce projet m'occupe beaucoup et contribue largement à retarder l'arrivé de la déprime de l'hiver et du temps des fêtes qui me frappe toujours à cette période de l'année.
Mais plus qu'un simple façon de m'occuper l'esprit, ce projet, aussi banal soit-il, représente quelque chose de différent pour moi.
Depuis aussi longtemps que je me rappelle j'ai toujours entrepris des projets de façon à ce que, consciemment ou inconsciemment, je puisse en partager les fruits avec d'autres personnes, je puisse finalement trouvé quelqu'un d'autre pour en profiter avec moi.
Quand j'ai acheté cette maison, je réalisais un rêve d'enfance, celui d'avoir une propriété à moi sur le bord d'un lac. Mais secrètement, je nourrissais le désir de créer un endroit qui attirerait des gens autour de moi, des gens dont j'apprécierais la compagnie, des gens que j'aurais choisi, avec lesquels je me sentirais finalement bien, finalement à ma place, et à qui je pourrais offrir une partie de mon petit coin de paradis. Des gens que je pourrais recevoir et gâter, et qui apprécieraient sincèrement tout ce que j'ai à leur offrir, sans exiger de moi ce que je ne peux tout simplement pas donner.
Ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça, n'est-ce pas ?
En fait, acheter cette maison n'a rien changé. Toute ma vie, je me suis toujours senti anormal, à part des autres, non-conformiste, hors norme, rejet.
Et aujourd'hui, je me sens toujours ainsi.
Mais quand ce projet de sauna a pris naissance dans mon petit cerveau il y a presque deux ans de cela, c'était différent. Bien sûr, je me voyais déjà y inviter plein de monde qui partagerait avec moi ce plaisir, mais pour la première fois de ma vie, j'ai été plus lucide, j'ai considéré la possibilité que ce projet, comme tous les autres projets avant lui, ne changerait probablement rien à ma vie sociale et amoureuse, mais que même si c'était le cas, j'irais quand même de l'avant. Ce projet, je le réaliserais d'abord et avant tout pour moi, pour le simple plaisir de le mener à terme et d'en profiter pour moi, et moi seul.
Aujourd'hui, tout semble démontrer qu'il en sera ainsi. J'ai autant de difficulté à trouver des gens qui apprécient la chaleur autant que moi, que j'en ai à en trouver qui apprécient autant le nudisme. Copine viendra peut-être profiter quelques fois de mon sauna, mais elle s'en lassera sans doute très vite. Lolita l'aurait sans doute apprécié davantage, mais elle habite à l'autre bout de la province maintenant. Personne d'autre dans mon entourage n'a montré beaucoup d'enthousiasme face à mon projet. Oh bien sûr, ils se montrent intéressés quand j'en parle et m'encouragent dans ma démarche, mais au fond, je vois bien qu'ils se disent qu'il s'agit là d'un autre de mes projets bizarres.
Mais cette fois je m'en fous. Je mènerai ce projet à terme. Et j'ai bien l'intention qu'il ne soit pas le dernier projet du genre pour moi.