30 décembre 2002

Le compte à rebours est commencé. Demain à minuit se terminera cette année symétrique.

Malgré tous les sentiments négatifs que je ressens toujours de façon quotidienne, en particulier la culpabilité de ne pas consacrer suffisamment de temps à faire avancer mes projets comme mon sauna, je passe cette période du temps des fêtes avec le coeur particulièrement léger, du moins si je me compare aux années précédentes.

Hier, par exemple, j'ai passé une très agréable soirée chez ma collègue de travail. Il y avait là plusieurs autres de mes collègues, et je m'y sentais particulièrement bien et à ma place, ce qui est excessivement rare et inhabituel dans mon cas. Rien de comparable avec le groupe de Copine et Lolita en tout cas.

Mais le plus extraordinaire, c'est que le conjoint de cette collègue avait de son côté invité un couple de ses amis. Et bien figurez-vous donc que la demoiselle de ce couple est une vieille amie à moi ! J'ai même déjà sorti avec sa grande copine il y a bien des années.

Quand elle m'a vu arriver, elle m'a reconnu immédiatement. En ce qui me concerne, cela m'a pris quelques secondes de plus, mais je l'ai finalement identifié aussi. Après tout, nous ne nous étions pas vu depuis plus de vingt ans ! Apparemment, selon elle, je n'ai pas changé du tout depuis toutes ces années. Je ne l'ai pas cru bien sûr, il me suffit de me comparer aux veilles photographies de l'époque pour voir immédiatement la différence.

Inutile de préciser que nous avons passé beaucoup de temps à nous remémorer nos belles années. Je lui ai demandé des nouvelles de mon ex, mais elle n'a plus de nouvelles d'elle depuis sept ou huit ans. La dernière fois qu'elle l'a vue, elle était marié avec le même gars avec lequel elle était déjà la dernière fois où moi je l'avais revu (il y a dix ou onze ans de cela, à la petite rivière où je me faisais bronzer nu à l'époque et où elle allait elle aussi à l'occasion) et elle avait maintenant deux enfants. C'est fou ce que le temps passe. Et c'est fou comme le monde est petit.

Cette vieille amie à moi avait elle-même deux enfants maintenant, deux filles qui étaient d'ailleurs présentes hier soir. Elles et les deux enfants de nos hôtes ont passé la majeure partie de la soirée ensemble, laissant les "vieux" discuter et s'amuser entre eux.

Pendant le souper, les enfants avaient leur table à eux, et cela me rappelait des souvenirs de mes Noëls passés, alors que c'était moi, mon frère, ma soeur et mes cousins et cousines qui étions assis à la table des enfants, chez la tante qui nous recevait traditionnellement pour le réveillon presque à chaque année.

Voilà. Cette grande étape est passée maintenant. Aujourd'hui, c'est moi le "grand", le parent, l'oncle, ou l'ami de la famille.

Beaucoup des invités travaillaient aujourd'hui (les pauvres); aussi la soirée se termina assez tôt. Pour eux du moins, car moi et mes hôtes étions en congé. Je suis donc parti le dernier. Alors que nous jouions à un jeu de société plus tard en soirée, je ne pouvais m'empêcher de regarder les enfants de mes hôtes, en particulier leur grande fille, qui vient d'avoir quinze ans, et qui est destinée à devenir dans quelques années à peine une jeune femme absolument magnifique. En regardant son père, je ne pouvais m'empêcher de me demander ce à quoi il pouvait bien penser, ce qu'il ressentait lorsqu'il regardait cette belle jeune fille, la chair de sa chair. Je me rappelle qu'au début de son adolescence, ma collègue me racontait à quel point leur fille leur donnait du fil à retordre et leur empoisonnait l'existence, et à quel point ils passaient par de grandes périodes très difficiles de découragement et de désespoir.

Mais hier soir, tout cela semblait oublié. Tout ce que je voyais, c'était une famille unie et heureuse, qui partageait une belle complicité et une grande affection.

Alors je me pose des questions, beaucoup de questions. Des questions autres que celles que je me pose toujours, s'entend. Et je me demande ce que cela peut bien faire de voir devant soi une belle grande jeune fille, une demoiselle magnifique, et de se dire que cet être qui se tient devant nous est le produit de notre propre chair et de celle qui l'a porté et mise au monde, et avec qui elle a été conçue dans la passion et l'amour.

Hier soir, autour de la table, nous parlions à un moment donné de ce que je considère comme la plus belle histoire qui ait jamais été écrite, à savoir "A Christmas Carol" de Charles Dickens. Et alors que je regardais la table où les enfants riaient et s'amusaient, et que cela me rappelait l'époque où c'était moi qui était assis à la table des enfants, j'ai eu l'impression d'être Ebenezer Scrooge, que l'esprit des Noël passés avait ramené à une autre époque, pour lui faire voir avec un regard différent tout ce qu'il avait vécu jadis et qui était maintenant oublié, dans l'espoir de le voir rouvrir son coeur aigri et désabusé, d'y faire renaître l'esprit et la joie de Noël.

Peut-être n'est-il pas trop tard pour moi non plus après tout.

Il ne me reste plus qu'à recevoir la visite des deux autres esprits: l'esprit du Noël présent et, celui que, tel Scrooge, je crains le plus: l'esprit des Noëls à venir...


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