16 février 2002

Mon mal de dent est finalement tolérable. Les antibiotiques doivent faire leur effet. À défaut de diminuer, la douleur a au moins cessé d'augmenter.

En fait ce qui me fait le plus souffrir en ce moment (physiquement s'entend), c'est un mal de tête. Encore cette barre au dessus des yeux dont je n'avais pas souffert depuis plusieurs semaines, et qui m'indique sans l'ombre d'un doute que j'ai passé trop de temps devant un écran d'ordinateur. J'aurais dû savoir que mes problèmes de vision ne s'amélioreraient pas tout seul avec le temps.

Après le dentiste, ce sera l'optométriste. Je suis ruiné.

Et pourtant, je suis encore devant ce putain d'ordinateur, à écrire ce putain de journal. Pourquoi ? Parce que j'en ai besoin je suppose.

Je serais supposé être chez Copine ce soir. Toute la gang (à peu près) y sont. L'invitation était lancée depuis plusieurs semaines, même si je n'en avais pas parlé ici. C'aurait été une belle opportunité pour moi de faire la connaissance des deux nouveaux membres de notre groupe, j'ai nommé les bébés de Cousine et de Nikita.

Cependant, mon mal de dent et de tête m'ont enlevé toute envie de faire du social.

Bien sûr, vous n'êtes pas dupes. Vous savez aussi bien que moi que ce n'est qu'une excuse. Le mal de dent est bien réel, mais en ce qui concerne le mal de tête... et bien... vous me lisez depuis assez longtemps pour connaître le pouvoir de ma pensée sur mon corps, et malheureusement, cela inclut aussi ma pensée inconsciente...

Le fait est que je ne voulais pas aller là. Je ne voulais pas entendre parler de bébés toute la soirée, je ne voulais pas parler de choses qui m'intéressent peu ou pas du tout avec des gens pour lesquels je me sens peu d'affinité. Je ne voulais pas voir Lolita dans les bras de son chum. Je ne voulais pas me sentir à part des autres, casseux de veillée, parce que je n'aurais pas eu envie de jouer à des jeux qui ne m'intéressent pas. Je ne voulais pas me retrouver entraîné dans une discussion philosophique sur les vertus de tel ou tel atelier de croissance personnelle qui à mes yeux frise la secte religieuse.

Je l'ai déjà dit souvent ici, je ne me sens pas à ma place parmi eux. Je n'ai pas d'affinités avec eux. Je ne partage pas leurs intérêts, leurs passions. Et ils ne partagent pas les miennes. Comprenez-moi bien: ils sont tous très gentils, excessivement gentils même. Ils sont chaleureux et accueillants. Ils m'ont ouvert leurs bras et accepté parmi eux malgré mes réticences, mes problèmes relationnels et mes idiosyncrasies qui, avouons-le, peuvent devenir exaspérantes pour le commun des mortels. Mais le fait est que, mise à part Copine que je connaissais déjà bien avant de les connaître eux, la seule personne avec qui je me sens quelques affinités est Lolita. Et les choses sont excessivement compliquées avec elle, et pas seulement à cause de la présence de son amant/chum ou de mon attirance pour elle, mais aussi à cause de nos incommensurables divergences d'opinion sur les questions spirituelles et religieuses, qui sont de plus en plus souvent source de frictions entre nous.

Et j'en ai aussi marre de penser que c'est moi qui ai un problème, qui est incapable d'entrer en relation ou de me sentir à ma place avec qui que ce soit, parce que ce n'est tout simplement pas vrai. L'an passé, à Cuba, tout était parfait. J'étais ouvert, j'étais à ma place. Notre petit groupe était idéal et je m'y sentais parfaitement à l'aise, et cela malgré le fait que j'étais le seul homme parmi cinq femmes. En fait, je trouve que je me suis plutôt pas mal bien débrouillé.

La différence, c'est que nous étions tous réunis pour partager une passion commune, et nous en jouissions pleinement tous ensemble.

Je peux entrer en relation. Je peux me sentir à ma place quelque part. Mais j'ai besoin de trouver des gens avec qui j'ai envie d'être, avec qui je partage des goûts et des intérêts, avec qui je peux vivre la vie que j'ai vraiment envie de vivre, partager les passions que je met en veilleuse depuis des années.

Et je me sens coupable. Coupable de rejeter des gens qui font montre de tant d'ouverture envers moi, qui voudraient me donner tant de choses, qui voudraient tellement que je les accepte, comme ils m'acceptent, eux.

Mais ce n'est pas ce que je veux.

Je pourrais essayer de me convaincre que c'est déjà pas mal, que je ferais peut-être mieux d'accepter ce que le destin m'offre, d'apprendre à me contenter de ce que j'ai.

On dirait que je ne fais que ça depuis quarante ans, me contenter. Ce n'est pas ça, vivre. Seriez-vous capable d'accepter de tracer un trait sur tout ce dont vous avez toujours rêvé, de faire le choix conscient de renoncer à vos passions pour toujours ?

Moi non plus.

Ces gens, ces amis, ceux que j'appelle malgré tout "mon groupe" et "ma gang" ont leur place dans ma vie. On ne rejette tout simplement pas des personnes avec tant de gentillesse et de qualités humaines. Mais ils ne me suffisent pas. Ils ne me suffiront jamais. J'ai besoin d'autre chose. Pas grand chose, juste quelque chose d'autre, quelque chose de différent.

Je veux danser, je veux rire. Je veux des fins de semaine de camping sauvage dans des coins de rêve. Je veux passer des journées nu au soleil. Je veux voyager. Je veux passer des soirées entières collés, à échanger baisers, tendresse et passion. Je veux du sexe, de l'aventure et de l'amour. Je veux des grasses matinées interminables, des saucettes dans mon lac le matin. Je veux parler, parler, parler, de tout et de rien, pour le seul et unique plaisir de communiquer, de communier avec l'autre.

Je veux des choses simples, que tant de monde réussissent à avoir autour de moi, sans avoir besoin de faire d'efforts particuliers, que tant de monde prennent pour acquis, sans en saisir vraiment toute la valeur, sans réaliser à quel point ce qu'ils possèdent est précieux.

Et je veux surtout comprendre pourquoi c'est si compliqué pour moi.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]