17 février 2002

J'ai fait quelque chose que je n'aurais peut-être pas dû faire.

Alors que je fouillais dans mes archives pour retrouver un texte que j'avais déjà écrit, je suis tombé sur une page où je parlais de Lectrice. J'ai alors relu tous mes billets la concernant, du premier au dernier, dans l'ordre. J'ai relu tous les courriels que nous avons échangés. J'ai regardé ses photos, je me suis remémoré toutes les conversations que nous avons eues par l'entremise du chat ou au téléphone.

Ce n'était peut-être pas une bonne idée, mais bon. C'est fait maintenant.

C'est loin tout ça. Un an environ. Ça m'a fait un petit pincement au coeur, bien sûr, mais pas assez pour me tirer une larme. Avec le temps, les souvenirs deviennent plus flous, et avec eu la douleur qu'ils engendrent.

Avec Lectrice, je me suis abandonné totalement à ce que je ressentais pour elle, sachant pertinemment que j'allais souffrir. Je l'ai fait quand même. Et j'ai souffert.

Mais c'est drôle, je ne regrette rien. Car je me sentais vivre.

Un sujet semble revenir assez souvent chez quelques diaristes ces jours-ci: La peur de l'amour.

Et je trouve ça triste.

C'est facile pour moi de penser ainsi, me direz-vous, moi qui n'ai jamais vraiment connu la souffrance d'une peine d'amour. Peut-être. Mais il y a des douleurs qui se comparent à d'autres, qui peuvent nous donner une idée de ce qu'un autre peut ressentir.

À me lire, à me connaître, on pourrait croire que j'ai peur de l'amour moi aussi, et que de ce fait je suis mal placé pour parler.

Mais je ne crois pas que j'ai peur de l'amour. De l'engagement oui, mais encore là, pas de n'importe quel engagement. Tout simplement, j'ai peur de me retrouver pris au piège avec la mauvaise personne, avec une femme que je n'aimerais pas vraiment, ou pas assez.

J'ai toujours été avec des femmes que je n'aimais pas. J'ai de ce fait toujours vécu mes relations de couple (le peu que j'ai eu du moins) comme un handicap, une nuisance, un boulet à mon pied. L'amour, lui, donne des ailes.

J'ai été amoureux quelques fois. Toujours de femmes qui ne me le rendaient pas. Mais je connais le sentiment quand même. Je ne l'ai juste jamais partagé.

Quand je pense à Lectrice, ou à d'autres femmes du même genre, des femmes qui se servent de leur sexualité pour contrôler les hommes, pour toujours être la partie dominante dans la relation, parce qu'elles croient que de s'abandonner à leurs sentiments les mettra en position de vulnérabilité, ça me rend triste.

C'est triste d'avoir peur de l'amour. Triste de craindre la force la plus fondamentale de l'univers, la seule force qui va dans le sens de la vie, celle qui s'oppose à l'entropie qui, laissée à elle-même, nous entraîne inéluctablement vers le chaos et la mort.

L'amour, c'est la vie.

Pourquoi tant de personnes craignent l'amour ?

Je ne crois pas que ce soit l'amour lui-même que nous craignons, mais plutôt ce qu'il implique, soit par la force des choses, soit à cause de ce que chaque culture, chaque société associe toujours invariablement à l'amour.

Certaines personnes tiennent par dessus tout à leur liberté. Je suis de celles là. Et pour ces personnes, l'amour implique presque invariablement la perte d'une partie de cette liberté. Et ils se refusent à cela. Si ce refus est conscient, elles choisiront de renoncer à l'amour et de vivre seules, se contentant de relations de "libraimants" et/ou d'aventures sans lendemain. Si ce refus est inconscient, elles s'engageront dans des relations amoureuses, mais saborderont continuellement ces relations, par action ou par omission.

D'autres personnes ont peur de la souffrance que cause une peine d'amour. Elles ont trop souffert et ne veulent plus revivre ça. Encore là, ce refus peut être conscient ou inconscient, ce qui implique des comportements sensiblement différents dans les deux cas. Ces personnes deviendront ermites, ou contrôlantes sexuelles, ou Dieu sait quoi d'autre. Tout pour garder le contrôle, pour ne pas s'abandonner à leurs émotions, à ce qu'elles pourraient en venir à ressentir pour l'autre.

Il y a sans doute beaucoup d'autres raisons de fuir l'amour. Je ne les connais pas toutes, je n'ai pas beaucoup d'expérience dans ce domaine.

Je vois autour de moi de plus en plus de gens qui fuient l'amour. Et ça me rend si triste. Parce que cette attitude nous conduit directement à notre perte, en tant qu'individus et en tant qu'espèce.

Ce qu'on n'aime pas, on le laisse mourir ou on le détruit, et ça ne nous fait rien. Alors que ce qu'on aime, on le protège, on l'entretient. D'une certaine façon, ce qu'on aime devient une extension de nous-même. Et plus on s'aime entre nous, et plus on aime la vie et les choses qui nous entourent, plus on devient une entité unique, de plus en plus grosse, de plus en plus complexe, de plus en plus belle. Comme la nature, comme la vie.

L'amour, c'est le ciment qui unit les êtres.


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