27 janvier 2002

Bon sang ! Cela fait-il vraiment cinq jours que je n'ai pas écrit ?

Aujourd'hui j'ai pelleté toute mon entrée. Une source de culpabilité de moins. Moins cyniquement, disons que je peux enfin recevoir de la visite de la part de ceux qui n'ont pas de véhicule à quatre roues motrices.

Je suis allé faire de la raquette avec Copine hier, dans les montagnes derrière chez moi. L'hiver ne me rentre absolument pas dans le corps cette année, et il m'a fallu déployer de grands efforts de volonté pour me motiver à sortir. Mais une fois dehors, j'appréciais quand même la beauté des paysages, la blancheur de la neige dont étaient chargées les branches des arbres endormis.

Copine et moi avons parlé des mêmes choses que d'habitude, des choses dont j'ai de moins en moins envie de parler, à savoir nos problèmes respectifs avec nous-même, avec les autres, avec la vie. Elle semble persuadée que je vais trouver le bonheur avant elle. Il y a quelques années, en entendant cela, je lui aurais dit quelque chose du genre "ben non voyons, et bla bla bla". Mais plus maintenant. Maintenant je sais très bien que son bonheur est entre ses mains, comme le mien est entre les miennes. Et je n'ai plus envie de dépenser le peu d'énergie qui me reste à "remoraliser" les autres. En fait, notre conversation d'hier m'a ramené en mémoire une constatation à laquelle je suis arrivé il y a quelque temps, à savoir qu'aujourd'hui je ne recherche plus la compagnie du même genre de personne qu'autrefois. Autrefois, j'allais spontanément vers les gens malheureux ou avec une faible estime d'eux-mêmes. Les longues soirées que je passais à leur remonter le moral et à reconstruire leur confiance en eux me donnait l'impression de servir à quelque chose, d'être quelqu'un, quelqu'un de bien, une bonne personne, digne et noble.

Mais c'était toujours à refaire.

Maintenant, je recherche la compagnie de gens heureux. Et je ne suis plus un siphon d'énergie pour eux. Je me plonge dans leur bonheur, j'oublie le passé et l'avenir, je m'imprègne de l'instant présent, et je partage avec eux mon plaisir et tout ce qu'il y a de bon et de bien en moi. Et Dieu sait qu'il y en a beaucoup. Ne reste plus qu'à m'en convaincre maintenant, à m'imprégner totalement de cette réalité, de cette vérité, jusqu'au plus profond de mon âme. Et peut-être qu'alors je commencerai à sentir moi-aussi ce bonheur, que moi-aussi il commencera à me sortir par tous les pores de la peau et que je pourrai enfin le partager avec ceux que j'aime.

À bien y regarder, j'ai quand même beaucoup progressé depuis les deux dernières années. Superficiellement, je ne m'en rend pas compte parce que je me sens toujours aussi malheureux qu'avant et que je ne vis toujours pas la vie que je désire, mais en fait, c'est tout simplement que je n'ai pas encore crevé la surface et que je me noie toujours. Mais comparé à jadis où j'étais submergé sous dix mètres d'eau, il n'en reste peut-être plus qu'un ou deux au dessus de ma tête.

Lentement, imperceptiblement, je me rapproche de la surface.

Je dois seulement garder espoir et ne pas me décourager lorsque surviennent des périodes noires comme il y a quelques semaines, des périodes où j'en ai tout simplement marre que rien ne marche comme je veux, que ma vie ne me plaise pas, que je ne sois pas entouré tous les jours de gens que j'aime et qui m'aiment.


Avez-vous remarqué à quel point c'est facile pour tout le monde de baiser ? En couple ou célibataire, ça n'a aucune importance. Pratiquement tout le monde baise sur une base plus ou moins régulière, sans vraiment le rechercher, sans vraiment faire quoi que ce soit pour que ça arrive. Mais ça arrive, comme ça, tout simplement, par hasard. Je suis sûr qu'il ne vient jamais à l'idée d'aucun d'entre vous que vous pourriez éventuellement être privés de sexe. Avec toutes les femmes qui m'entourent, n'importe qui de "normal" baiserait au moins une fois à toutes les deux ou trois semaines, sans rien planifier, parce que ça "adonnerait" comme ça, tout simplement. Une rencontre au hasard d'une sortie, un petit verre de trop avec une copine, une visite impromptue d'une ancienne flamme qui habite maintenant une autre ville...

Imaginez que vous avez soif. Dans un pays comme le nôtre, il ne vient jamais à l'esprit de qui que ce soit qu'il pourrait ne pas pouvoir se procurer un verre d'eau sur demande, au moment même où il en a envie.

Maintenant imaginez que vous vous levez, un verre à la main, et que vous vous dirigez vers l'évier de la cuisine, mais qu'aucune goutte n'en sort, ni d'aucun autre robinet dans la maison. Bon, aux informations, ils parlent d'un bris d'aqueduc majeur. Ce sont des choses qui arrivent, y a pas de quoi en faire un plat. Je vais simplement me prendre quelque chose à boire dans le frigo.

Ah ben merde, j'ai oublié de faire les courses cette semaine. Le frigo est vide. Crotte de bique.

Reste l'eau de la toilette...

Non, quand même !

Reste le dépanneur du coin. Fuck, il est passé 23h, tout est fermé dans mon quartier. Quelle poisse quand même ! Quand je conterai ça à mes petits enfants dans mes vieux jours, ils se tordront les boyaux !

Bon, c'est bien beau tout ça, mais j'ai vraiment soif moi.

Untel doit bien avoir une bonne bière fraîche dans son frigo (ou au pire, des robinets qui fonctionnent...). Et il me semble que ça fait un bail que je ne l'ai pas vu en plus.

Un petit coup de fil...

Merde, c'est son putain de répondeur.

La poisse tout de même !

Hum... reste toujours Untel2, ou Untel3, ou Untel4...

Répondeur, répondeur, répondeur...

Ça commence à bien faire.

Bon ben y faut ce qu'y faut ! Je ne vais pas moisir ici à endurer ma soif jusqu'à ce que je commence à trouver l'eau de la toilette appétissante !

Je saute dans ma voiture, et ?

Rien. Elle ne part pas. Ma batterie est "à terre" parce que j'ai laissé les phares allumés hier.

Non mais merde tout de même ! Quand ça va mal, ça va mal !

Je vais allé sonner chez les voisins tiens ! Sauf que... 23h30, c'est un peu tard... Ils ne m'aimeront pas beaucoup je crois. Mais merde, j'ai soif moi ! Et s'ils n'ont rien dans leur frigo, ils pourront sûrement me "booster" pour que je puisse prendre ma voiture !

Ding dong

Pas de réponse.

Fuck de fuck ! j'avais oublié qu'ils étaient partis dans le sud pour deux semaines ! Ils m'ont même demandé de ramasser leur courrier pendant leur absence !

Et moi qui n'est pas du genre très "voisineux", je ne connais pas vraiment les autres... Ça se fait, d'aller sonner à la porte de parfaits inconnus à 23h30 et de leur dire: "Pardon, vous m'avez peut-être déjà vu dans le coin, je suis votre voisin et j'ai très soif. Vous n'auriez pas un verre d'eau ?".

Mais bien sûr ! Le service de dépannage vingt-quatre heures du Club Automobile ! Ils vont pouvoir m'envoyer un véhicule pour me dépanner !

"Nous sommes désolé Monsieur, mais aucun de nos véhicules n'est disponible en ce moment, il semblerait qu'un nombre anormalement élevé de personnes dans la ville aient oublié d'éteindre les phares de leur voiture hier, et nous ne fournissons tout simplement pas à la demande. Rappelez dans six heures. Merci de faire confiance au Club Automobile."

QUOI ? ! ? !

Et je pourrais continuer comme ça encore longtemps...

Que dites-vous ? Que mon histoire n'est pas réaliste ? Qu'une telle série de coïncidences malheureuses est absolument impossible dans la vrai vie ?

Et bien vous ne me rassurez pas en disant ça, parce que si je regarde ma vie sexuelle depuis les dernières années (et vous êtes tous témoins des vingt-et-un derniers mois), et bien c'est exactement ce genre de chose qui m'arrive. Toute tentative de ma part d'essayer de faire entrer un peu de sexe dans ma vie se conclue par un échec lamentable, car peu importe comment je m'y prend et la bonne volonté que j'y met, cette tentative est automatiquement et systématiquement contrée par un sordide et impitoyable coup du destin.

Et si par malheur, en désespoir de cause, j'en viens à m'astreindre à boire de la toilette, et bien je me tape une abominable gastro-entérite qui me fait regretter d'avoir ne serait-ce que penser un jour à boire un verre d'eau...

Difficile de croire que tout cela n'est que le fruit du hasard, qu'il n'y a pas, quelque part, un petit gremlin caché dans un coin qui m'observe et qui se bidonne depuis des années.


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