4 mai 2002

Il semblerait que ma décision de prendre une journée de congé par semaine en soit une bonne finalement. Hier, J'ai coché quatre petites cases sur ma liste de choses à faire, qui en compte trente-huit. Mettre par écrit cette liste est une bonne décision. Je suis continuellement hanté par la peur d'oublier quelque chose d'important. Alors ainsi, une fois que c'est noté quelque part, je n'ai plus à me casser la tête avec ça.

Je sais, c'est si simple que j'aurais dû y penser avant, vous entend-je me dire.

Sans commentaire.

Une chose est maintenant très claire dans mon esprit. Mon problème ne vient pas du fait que je n'ai pas de passions, au contraire. J'ai passé les deux dernières semaines à fantasmer sur toutes les choses que j'aime, tous les endroits que j'aimerais visiter. Et croyez-moi, il y en a beaucoup. D'ailleurs, j'ai continué sur ma lancée et j'ai fait une autre liste de toutes les choses que j'ai envie de faire cet été. Elle compte trente-six items. Et je suis sûr que je vais en ajouter au fur et à mesure que nous avancerons dans la saison.

J'ai vu de belles choses depuis deux jours.

Hier matin, un petit pic saccageait la vieille souche d'un des arbres morts que j'ai coupé dans ma cour il y a quelques années. C'était fascinant de voir la précision avec laquelle il faisait sauter chaque copeau de bois pourri, avant d'en extraire un long ver blanc que j'avais à peine le temps d'apercevoir avant qu'il ne l'avale. Il en a extrait une bonne dizaine comme ça en l'espace de cinq minutes. J'aurais personnellement mis cette souche à feu et à sang que je n'y aurais pas trouvé le plus misérable insecte. Mais bien sûr, je n'ai pas eu des dizaines de millions d'années d'évolution pour me perfectionner à accomplir cette seule et unique tâche...

Et puis ce matin, en faisant du ménage (ben voyons Laqk, es-tu tombé sur la tête ? Tu fais du ménage maintenant ?), je pouvais voir par la fenêtre de ma cuisine un merle qui se livrait à un manège que je ne comprenais pas sur la fenêtre du sous-sol de chez mon voisin. Puis, j'ai allumé: C'était un mâle qui était en train de se battre contre sa propre réflexion dans la vitre, croyant qu'il s'agissait d'un mâle rival ! On pouvait voir par son comportement qu'il se doutait que quelque chose n'allait pas, qu'il ne s'agissait pas d'une escarmouche territoriale ordinaire, mais son intelligence limitée ne lui permettait tout simplement pas d'assimiler le concept de la réflexion de sa propre image. Alors, après quelques minutes de toute la réflexion dont son petit cerveau était capable, il remettait ça, sans succès, évidemment.

Une heure plus tard, il y était toujours. Sa femelle, d'abord impressionnée par sa fougue, semblait maintenant plutôt blasée. Elle picorait dans l'herbe à quelques mètres de là, lui jetant de temps à autres un coup d'oeil condescendant. Vous savez, ce genre de regard que les femmes lancent occasionnellement à leur conjoint...

Mais la cerise sur le sundae fut cet après-midi. Comme il faisait doux et ensoleillé, j'ai décidé d'aller faire un tour dans un de mes petits coins de paradis. Le chemin n'était pas encore ouvert, mais je n'avais que quelques kilomètres à marcher à partir du bord de la route. Cet endroit étant également le point de départ d'un sentier de randonnée pédestre, beaucoup de voitures étaient déjà stationnées sur place. Toutes les personnes que je croisais en marchant le long du chemin étaient des couples, ou des groupes de trois personnes ou plus. Encore une fois, je sentais venir toutes ces idées sombres dans ma tête, mais je me suis forcé à les écarter et à me concentrer sur la raison pour laquelle j'étais là.

Mon petit coin était toujours aussi beau, même si l'absence de feuilles dans les arbres lui donne un aspect un peu plus "drabe". Quoi qu'il en soit, le soleil est bientôt disparu derrière les nuages, comme cela arrive souvent en montagne, et j'ai dû me résigner à rebrousser chemin.

C'est alors que j'ai entendu, venant de la forêt, un son que je connais bien pour l'avoir entendu à quelques reprises, mais jamais d'aussi près. Là, entre les branches, à quelques mètres à peine de moi, perchée sur un tronc mort couvert de mousse, une jeune perdrix mâle était en train de tambouriner.

Je me suis assis dans le sentier, en faisant le moins de bruit possible, espérant que le hurlement du vent dans les arbres ait enterré le bruissement de mes pas. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle ne puisse pas me voir (si vous pouvez voir un oiseau, vous pouvez être certain que lui vous voit encore mieux), mais elle me tournait le dos et semblait très concentrée, alors j'espérais qu'elle n'ait tout simplement pas fait attention à moi.

J'ai ainsi pu, pendant près d'une demi-heure, observer son manège. Fièrement dressée sur son perchoir, elle semblait très attentive, à l'affût du moindre bruit, du moindre indice, lui permettant de soupçonner la présence d'une femelle dans les parages. Puis, elle y allait de son battement d'ailes, lent au début, puis s'accélérant de plus en plus, qui lançait ces pulsations rythmiques à travers toute la forêt.

Durant une accalmie des vents, j'ai même entendu le son très lointain, à peine audible, d'un autre mâle qui tambourinait lui aussi. Il est très clair que les deux oiseaux devaient s'entendre l'un l'autre depuis un certain temps, et qu'ils "mesuraient" la compétition, en quelque sorte.

J'avais souvent entendu des perdrix tambouriner par le passé. J'avais également vu ce comportement dans divers documentaires à la télé. Mais aujourd'hui était la première fois où j'étais témoin "live" de ce petit rituel de séduction.

Et ce soir, pour la première fois de la saison, quelques grenouilles ont commencé leur concert sur le lac.

Ce serait une bonne idée de dormir sur ma galerie ce soir.


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