2 mars 2002

Je suis toujours devant un écran.

Lorsque je me lève le matin, je déjeune devant mon ordinateur.

Je pars travailler et je passe ma journée devant un ordinateur.

De retour le soir, je soupe devant mon ordinateur.

Et sauf exception, je passe la soirée devant mon ordinateur.

Bien sûr, il y a des moments où je ne suis pas devant un ordinateur. Dans mon lit lorsque je dors. Dans ma douche. Dans ma voiture. Lorsque je dîne au bureau.

Et lorsque je jase avec la collègue avec qui je m'entend si bien.

Ma vie est malsaine je pense.

L'hiver seulement. L'été je sors.

Congé hier matin. J'en avais envie. J'en ai également profité pour régler certaines petites formalités. Je suis passé à la municipalité pour demander mon permis pour mon sauna. La demoiselle de l'urbanisme était très gentille. Très mignonne aussi. Et elle habite sur la rue juste en haut de chez moi. Lorsque je lui ai aussi parlé de ma galerie, elle m'a également offert de mettre cette rénovation sur le même permis, ce qui m'a sauvé quelques sous. Gentille n'est-ce pas ?

Tout ça pour dire que j'ai maintenant mes papiers en main. Ne me reste plus qu'à me botter lu cul et commencer la construction. Le sauna d'abord, la galerie ensuite.

Hier après-midi, en arrivant au bureau, c'était la panique totale. J'ai été reçu comme un sauveur. On m'a envoyé chez notre collègue qui fait du télétravail parce qu'il s'est cassé une jambe fin décembre. Son ordinateur avait de sérieux problèmes de fonctionnement et je suis allé le réparer. Les quelques heures passées chez lui nous ont donné l'opportunité d'avoir de belles conversations et d'échanger comme nous n'avons jamais pu le faire au bureau même si nous travaillons ensemble depuis des années. C'était agréable de voir quelqu'un qui a des passions, des intérêts dans toutes sortes de domaines, quelqu'un qui ne se pose pas de questions existentielles, qui vit un jour à la fois, qui fait au jour le jour les choses qu'il aime, et qui n'a aucun regret.

Toutes des choses qui me manquent finalement.

Lorsque je suis parti il m'a remercié profusément pour mon aide et s'est excusé de me prendre de mon temps pour régler ses problèmes. Bien sûr, je lui ai précisé que c'était mon travail, que tout cela s'effectuait dans le cadre de mes tâches et qu'en plus, j'étais payé pour le faire. Mais plus sérieusement, je lui ai expliqué que, malgré le fait que l'informatique occupe une très grande partie de mon temps, c'est quand même on domaine où j'excelle, où je peux exprimer le meilleur de moi-même, le seul domaine de ma vie où je jouis d'une confiance absolue en moi. Quand je suis devant un ordinateur, je me sens bien, je me sens en contrôle, je me sens presque artiste.

Lorsque mon collègue m'a promis qu'il trouverait bien un moyen de me remercier pour mon travail, je lui ai répliqué que de m'avoir simplement donné une fois de plus l'opportunité de m'épanouir en utilisant mon talent exceptionnel était en soi une récompense bien suffisante.

Naturellement, il a éclaté de rire.


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