17 mars 2002

J'ai passé toute la fin de semaine au travail. Je suis épuisé. Ce n'est pas tant une fatigue physique, ni même intellectuelle, qu'une fatigue spirituelle. J'ai de moins en moins d'énergie, de plus en plus de difficulté à me motiver.

Je suis dû pour des vacances. J'en ai plein d'accumulées. Plein de temps supplémentaire aussi. Fin avril début mai, la plupart de mes gros projets seront en branle ou terminés, et je pourrai commencer à prendre mes congés. Mais dès cette semaine, je me lance dans les démarches pour la construction de mon sauna. Lorsque je me serai procuré tous les matériaux nécessaires, je prendrai une semaine entière de congé pour pouvoir m'y consacrer à temps plein. Rien que ça, aucun stress, aucune hâte. Ça me fera un bien fou de n'avoir qu'une chose à laquelle me consacrer entièrement.

Retour au travail demain, même si pour moi cela ressemble davantage à la continuation d'une longue semaine qui n'en finit pas de finir.

Il y a quelque temps, je me suis amusé à parcourir les sites de rencontres. J'y entrais différents critères et je regardais les candidates que les engins de recherche sélectionnaient pour moi. J'ai vite arrêté, car cela me décourageait.

Pas par manque de candidates qui rencontraient mes critères, bien au contraire. Mais parce que je me rendais compte que c'est ma façon d'évaluer mes chances de réussite qui est excessivement malsaine. Par exemple, si la demoiselle fournit une liste d'activités qu'elle pratique, et que sur cette liste il y figure une activité que je ne pratique pas, une seule, alors je rejette cette candidate.

Pourquoi ?

Parce que je me dis qu'elle a tellement de choix, tellement de candidats à sa disposition, qu'il est pratiquement certain qu'elle ne me choisira pas si je ne rencontre pas tous ses critères, sans exception.

Et je réalise alors que chaque fois que je fais une nouvelle rencontre, systématiquement, la plus grande question que je me pose est de savoir si elle va me trouver intéressant, sans jamais m'interroger sur la possibilité qu'elle me plaise ou non.

Bref, je prend toujours sur mes épaules 100% de la responsabilité de la réussite ou de l'échec d'une relation.

Je crois avoir déjà lu quelque part que ce genre d'attitude révélait quelque chose de fondamental sur ma personnalité et ma perception de moi-même. Mais je ne me rappelle plus quoi.

Cette attitude est si profondément ancrée en moi que je l'exhibe systématiquement à chacune de mes nouvelles rencontres, que ce soit en amour ou en amitié.

Par exemple, je vais vraisemblablement revoir la collègue avec qui je m'entend si bien demain. Cela devrait me réjouir. Au lieu de ça, ça m'inquiète. Ça m'inquiète parce que toute la fin de semaine je me suis dit qu'il serait peut-être mieux que je prenne mes distances d'elle, que je ramène progressivement nos rapports au niveau d'une simple relation de travail, cordiale certes, mais strictement professionnelle. Et pourquoi ce changement de cap tout d'un coup ? Parce que vendredi dernier, pour la première fois depuis que nous nous connaissons, nous avons eu des divergences d'opinion qui ont entraîner une légère, très légère friction entre nous. Vraiment pas grand chose. Sauf que la petite machine infernale dans mon cerveau s'est mise en branle, et a commencé à pondre ses petits scénarios apocalyptiques. Je me suis dit que cette friction n'était que la première d'une longue série qui commençait, qu'au fur et à mesure qu'elle allait me connaître davantage, elle allait découvrir des aspects de moi qui lui déplairait, que les choses ne pourraient qu'aller en empirant.

J'ai complètement escamoté de ma mémoire le souvenir des pourtant très nombreux points communs que nous nous sommes trouvé depuis plus d'un an, et qui surclassent largement les petites différences que nous pourrions avoir. Pas une seule seconde je ne me suis dit que, peut-être, ces petites différences pourraient ne revêtir aucune importance à ses yeux, comme elles n'ont rien changé pour moi puisque j'ai toujours autant envie de me rapprocher d'elle.

Je ne crois jamais que les autres m'accorderont la même indulgence, la même compréhension dont je fais montre à leur égard. Je me sens continuellement en probation, continuellement évalué, jugé, totalement convaincu qu'à la plus minuscule incartade, au plus insignifiant écart de conduite, on me montrera immédiatement la porte. Et il en est ainsi avec toutes les personnes qui comptent à mes yeux, mêmes mes amis d'enfance, même certaines lectrices qui m'ont pourtant réitéré à maintes reprises leur affection et leur attachement pour moi. Mais dans ces cas, il subsiste toujours un doute. Ou plutôt non, pas un doute, une certitude: la certitude qu'elles aussi, un jour, inévitablement, elles finiront pas me larguer, comme tant de personnes dans ma vie m'ont largué, parce qu'une fois, une seule fois, j'aurai fini par dire la chose qu'il ne fallait pas dire, par faire la chose qu'il ne fallait pas faire.

Dans ces conditions, il n'est guerre surprenant que je ne puisse jamais me sentir bien, me sentir à ma place auprès des autres, que les situations sociales me causent toujours un stress si énorme.

Je ne crois tout simplement pas que quiconque puisse faire montre du moindre attachement à mon endroit.


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