15 novembre 2002

Imaginez que vous avez deux voisins. Un à gauche et un à droite.

Imaginez maintenant que Voisindegauche a un chat qui va chier dans les plates-bandes de Voisinsdedroite et tue ses précieuses orchidées. Voisindedroite décide donc de poursuivre Voisindegauche devant la cour des petites créances (une cour civile, je vous le précise), pour la valeur de ses petites fleurs.

À un moment donné vous recevez un subpéna (comprendre: une lettre de menace, mais légale parce que portant la signature d'un avocat ou d'un juge) vos ordonnant de vous présenter en cour pour témoigner dans cette cause, parce que votre maison se situe entre celles des deux belligérants et que vous auriez peut-être aperçu le matou de votre voisin passer sur votre terrain pour aller faire ses petits besoins chez votre autre voisin.

Si Voisindegauche ne se présente pas en cour, le pire qui lui arrivera est qu'il perdra automatiquement sa cause et sera condamné à dédommager Voisindedroite. Et si Voisindegauche refuse de payer, encore là, pas grande conséquence immédiate. Ce sera à Voisindedroite de faire les démarches nécessaires pour engager un huissier pour récupérer son dû.

Mais si vous ne vous présentez pas en cour, vous risquez une accusation pour outrage au tribunal (une accusation criminelle) qui, si elle est suivie d'une condamnation, risque de vous valoir une amende salée, une peine d'emprisonnement et un dossier criminel qui vous suivra pour le reste de vos jours. Tout ça à cause d'une putain de bibitte à poil qui est allée jouer au rotoculteur dans les plates-bandes d'un voisin dont vous n'avez rien à cirer et à qui vous ne parliez même pas.

C'est exactement la situation dans laquelle je me trouve. Moi et quelques autres collègues devront se présenter en cour la semaine prochaine pour témoigner dans une cause impliquant un autre collègue et son ordre professionnel. Je n'ai rien à voir dans cette cause, cela n'implique ni moi ni mon employeur, c'est une cause strictement personnelle qui a commencé par un conflit entre deux individus. Et pourtant il m'est impossible de me désister et de refuser de me mêler de cette histoire, sinon gros coups de règles sur les doigts, prison, dossier criminel, etc.

Si vous trouvez cela "juste", c'est que vous êtes un putain d'avocat ou de juge. Et ne venez pas me parler de ma responsabilité civile ou de mon devoir de citoyen. On ne parle pas d'une cause criminelle ici, on ne parle pas de décider du sort d'un individu potentiellement dangereux pour la société; on parle d'un putain de bouquet de fleurs.

Il n'y a pas de justice. Il n'y a que la loi.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]