7 septembre 2002

J'ai de la difficulté à réaliser pleinement que ça fait dix ans que j'habite ici. Bon sang, ces dix années se sont envolées comme un coup de vent. Je suis allé prendre une marche après le souper ce soir, et j'ai fait complètement le tour du lac. Je me disais en marchant que depuis le temps que j'avais déménagé sur le bord de ce lac, c'était la première fois que j'en faisais le tour à pied.

Et puis tout à coup, je me suis rappelé que non, ce n'était pas la première fois. J'en avais déjà fait le tour il y a bien des années, avec une copine de l'époque. Mais cela me semble si lointain maintenant, si lointain...

La soirée était chaude, tous les gens étaient dehors sur leur galerie, les enfants jouaient dans la rue. Il y a beaucoup d'enfants et de jeunes familles dans mon quartier. Rien pour me faire sentir à ma place. Et pourtant, je ne me sens pas moins à ma place ici que n'importe où ailleurs. C'est sans doute relié au fait que les gens qui viennent s'installer dans ce genre de banlieue, proche de la nature et loin du rythme dément de la ville, ont souvent une mentalité "vivre et laisser vivre" et une hétérogénéité qui incite spontanément à la tolérance. Vous en connaissez beaucoup vous, des banlieues où un homme peut se faire bronzer et se baigner nu dans sa cour en toute impunité ?

Les traces de l'orage du mois passé disparaissent lentement. Sur les propriétés aménagés, on ne voit plus que des souches et des cordes de bois de chauffage empilées au fond des cours ou sous les galeries. Mais dans les terrains boisés, on peut voir encore de nombreux arbres soi complètement, soi partiellement abattus, et certains d'entre eux penchent encore dangereusement au dessus des rues. Si j'étais à la place des autorités municipales, je contacterais les propriétaires de ces terrains et j'exigerais qu'ils rectifient la situation. Ou alors j'appellerais moi-même les élagueurs et je leur ferais parvenir la facture.

Même si j'ai passé une journée agréable à profiter du soleil et de la belle saison qui se prolonge à mon point d'eau favori, il me manque encore et toujours le partage, et j'ai toujours beaucoup de difficulté à ne pas laisser ces bons moments se faire gâcher par le sentiment que tout ce temps que je passe avec moi-même serait tellement mieux si j'avais quelqu'un à qui l'offrir, par l'angoisse de ces années qui s'écoulent à vivre ma vie comme je ne veux pas la vivre et qui ne reviendront jamais.

C'est difficile de ne pas perdre espoir, de ne pas céder à l'angoisse, de ne jamais baisser sa garde.


Depuis mon retour de voyage je m'intéresse beaucoup à mon nid de guêpe. Je ne me suis pas encore résigné à les éliminer, et je les observe, je les étudie en tentant de mesurer le niveau de danger qu'elles représentent pour mon voisinage. Comme toutes les guêpes de leur espèce, elles sont quand même relativement dociles, et je peux les observer de très près (moins d'un mètre), sans que cela ne les indispose le moins du monde. Au pire, elle ne font que me considérer comme un obstacle à contourner lorsqu'elles quittent ou reviennent au nid. Je peux même chanter et danser autour du nid sans que ça ne leur fasse le moindre pli. Mais si j'ai le malheur de donner un seul petit coup de pied ou de poing sur un des pneus avant de la voiture, je vois sortir une vingtaine d'entre elles, complètement paniquées, qui se mettent à tourner dans tous les sens en cherchant à identifier le coupable. Naturellement, comme je reste rigoureusement immobile, elles n'arrivent pas à me reconnaître comme étant la source de la menace, et elles tournent un peu autour de moi, comme de tous les autres objets des alentours, jusqu'à ce qu'elles finissent pas se calmer après une minute environ et retournent à leurs occupations normales.

La solution est donc simple: il suffit de ne pas toucher à la voiture.

N'empêche que je devrais quand même en parler à mon voisin, question non seulement d'être fair play, mais aussi d'éviter ainsi les accidents.


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