25 septembre 2002

Samedi dernier, la nuit était chaude et humide. Une brume mystique enveloppait le lac dans une atmosphère féerique, que la pleine lune illuminait de sa lumière laiteuse.

Il était minuit. J'allais me coucher. Mais en mettant le nez dehors, je me suis dit que ce serait un crime d'aller dormir tout de suite. Cette fois, j'allais faire ce que je remettais toujours à plus tard depuis bientôt dix ans. Cette fois, j'allais faire une ballade en canot sur le lac, en pleine nuit, à la lumière de la pleine lune.

Je suis d'abord sorti nu dehors, espérant pouvoir faire ma ballade dans mon plus simple appareil. Mais je me suis mis à grelotter après quelques minutes seulement, et c'est à regret que j'ai dû revêtir un chandail et des culottes courtes. La brume épaisse masquait complètement l'autre rive. Ainsi, lorsque je mis mon canot à l'eau, je me suis mis à avancer vers un mur de brume. Après quelques minutes seulement, je pagayais à l'aveugle et c'était absolument tripant.

Alors que je glissais silencieusement sur l'onde, je me laissais imprégner par l'ambiance, et je me demandais pourquoi j'avais attendu si longtemps pour me permettre de vivre cette expérience des plus élémentaires. J'avais le lac à ma portée, à tous les jours, depuis dix ans. Pourquoi avais-je tant attendu ? Pourquoi attend-je tout le temps pour vivre ?

Alors que j'approchais de l'autre rive, la silhouette des arbres commençait à se dessiner à travers la brume, et je pouvais entendre des canards effarouchés par mon approche qui s'envolaient bruyamment en exprimant très vocalement leur indignation. Mais, malgré l'éclairage de la pleine lune, je ne pouvais pas les voir. Eux pouvaient probablement me voir très bien, malgré la brume. Ce sont des oiseaux, après tout.

Alors que je longeais les arbustes qui bordent le marais, la petite tête d'un castor passa devant mon embarcation. Quelques secondes plus tard, il claqua bruyamment sa queue dans l'eau, en guise d'avertissement.

C'est alors que j'entendis des voix. Très nettement, comme si la personne qui parlait était juste devant moi. Il s'agissait d'un couple qui pataugeait dans le lac, en pleine nuit, sous la lumière de la lune. De toute évidence, ils avaient aussi jugé qu'une pareille nuit était une trop belle occasion pour la laisser passer. Je savais que le son porte loin sur un lac, et que même si je pouvais les entendre clairement, je pouvais me trouver encore à plus d'une centaine de mètres d'eux.

C'est en m'approchant de la décharge du lac que j'entendis l'homme dire: "oh, nous ne sommes pas seuls, il y a quelqu'un qui fait du canot". À ce moment, je pouvais à peine deviner le contour d'une silhouette humaine, près de la rive. Je ne pouvais même pas dire s'ils étaient nus ou non, mais à leur place, je sais très bien ce que j'aurais fait. Quoi qu'il en soit, l'homme me lança presque aussitôt un commentaire sur la beauté de la nuit, et nous avons échangé quelques mots. Sa compagne, elle, demeura silencieuse.

J'ai continué à glisser silencieusement dans la nuit, préférant leur laisser leur intimité.

Sur le chemin du retour, je m'arrêtais à de nombreuses reprises en plein milieu du lac, je posais ma rame, et je me laissais imprégner par la magie du moment. Bien sûr ce n'était pas tout à fait comme un lac sauvage en pleine nature. Je pouvais voir sur la rive les lumières des habitations, le son des véhicules qui passaient occasionnellement sur la route au loin, et même quelques voix lointaines de gens qui profitaient eux aussi de cette nuit magnifique. Mais il y avait aussi le chant des grillons, qui profitaient aussi de ces dernières nuits chaudes de l'été.

Cette nuit là, je me suis couché calme et serein, le sourire aux lèvres.


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