6 août 2003

Cela fait exactement cinquante-huit ans aujourd'hui que la première bombe atomique a été lancée sur Hiroshima. Cinquante-huit ans que nous avons ouvert la boîte de Pandore et laissé sortir le démon nucléaire.

La menace nucléaire plana au dessus de l'humanité pendant des décennies après cet évènement tragique, surtout durant la guerre froide. Bien qu'aujourd'hui on ne pense plus beaucoup à cela, on oublie trop facilement que cette menace est toujours bien réelle. Celle-là et bien d'autres menaces d'ailleurs.

Mais on ne peut pas passer notre temps à vivre dans la peur, non ? N'empêche qu'une peur, une seule par génération est bénéfique: elle nous garde en alerte et contribue peut-être un peu à nous permettre d'apprécier la valeur de la vie.

La peur à la mode il y a une vingtaine d'années, c'était l'amincissement de la couche d'ozone. Mais celle dont on entend le plus parler aujourd'hui, c'est l'accroissement du taux de gaz carbonique dans l'atmosphère, entraînant l'effet de serre qui conduit au réchauffement de la planète et à tous les scénarios apocalyptiques qui en découlent.

Apocalyptique, pour qui ?

Du début du carbonifère jusqu'à la fin du crétacé, il y a à peu près soixante-cinq millions d'années, le taux de gaz carbonique dans l'atmosphère était un peu plus de deux fois supérieur à ce qu'il est aujourd'hui. La terre était alors une planète paradisiaque, chaude et débordante d'une pléiades de formes de vie, et couverte d'une végétation luxuriante. À cause de cette végétation, il y avait aussi plus d'oxygène dans l'air, ce qui permettait l'existence de formes de vie énormes, d'insectes gros comme des chiens, et les lacs et rivières, dont l'eau était aussi plus riche en oxygène, abritaient une multitude incroyable de formes de vie aquatique.

Où voyez-vous l'apocalypse là-dedans ?

Déjà à cette époque, un inéluctable processus était déjà en branle depuis des millions d'années: celui de la minéralisation du carbone. Le gaz carbonique, absorbé par les plantes, se transformait au fil des siècles en carburants fossiles qui disparaissaient sous la terre. Les animaux, de leur côté, formaient des os, des coquilles, des récifs de corail, tout cela constitué de calcaire, un carbonate de calcium, une roche qui se dépose en couches successives au fil des millions d'années. Ce que ces deux formes de carbone minéralisé ont en commun, c'est qu'elles sont toutes deux désormais inaccessibles à la vie, et par conséquent, retirées de l'écosystème.

Résultat: le gaz carbonique a diminué progressivement dans l'atmosphère, et de moins en moins de carbone est maintenant disponible pour la biomasse. Les plantes arborescentes qui avaient évolué à l'époque en arrache aujourd'hui et nos forêts actuelles, même sans intervention humaine, ne sont plus que l'ombre de ce qu'étaient les magnifiques forêts luxuriantes du carbonifère. Une nouvelle forme de végétation, les herbes qu'on voit dans les prairies et savanes, est apparue pour s'accommoder du manque de gaz carbonique, mais là encore, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elles aussi ne trouvent plus dans l'atmosphère le carbone nécessaire à leur survie.

Puis, il y a cinq millions d'année, à cause de la diminution de l'effet de serre, a commencé le cycle des ères glacières. Durant des centaines de milliers d'années à la fois, des glaciers de plusieurs kilomètres d'épaisseur recouvraient la moitié des continents, y anéantissant toute forme de vie, et transformant en déserts, par manque d'eau sous forme liquide, les régions que la glace ne recouvrait pas. Ces glaciations sont périodiquement entrecoupées de quelques périodes inter-glacières, où les glaces se retirent presque complètement et où la vie peut lentement reconquérir les déserts qu'elles laissent derrière elles en disparaissant.  Nous sommes actuellement dans une de ces périodes inter-glaciaire. Toutes les civilisations humaines sont nés, ont grandi et ont disparu durant ce bref répit de quelques dizaines de milliers d'années.

Que l'avenir nous réserve-il ? Et bien ce répit, comme tous les répits avant lui, prendra fin un jour. Les glaces reprendront leur droit sur les continents. À chaque cycle, vu que l'effet de serre continuera à diminuer à cause de la diminution progressive du gaz carbonique, les glaciations seront de plus en plus longues et froides, et les rémissions de plus en plus courtes et espacées les unes des autres. Ultimement, la surface des océans gèlera jusqu'à l'équateur, et alors ce sera la fin. Complètement blanche, la terre réfléchira la quasi totalité de la chaleur du soleil vers l'espace, et nous aurons dépassé le point de non retour. Les mers gèleront jusqu'au fond. La vie disparaîtra, et notre planète ne sera plus qu'une boule de roche et de glace froide et sans vie, semblable à tous les autres corps glacés et stériles qui peuplent l'espace.

Ça, c'est l'apocalypse.

Et c'est l'absence de l'effet de serre qui nous y conduira.

Au contraire, nous devons retourner à l'atmosphère le carbone que la vie lui a retiré. Nous devons rendre à la planète sa magnificence et sa luxuriance d'antan, ramener le climat chaud et humide jusqu'aux pôles, ramener les forêts tropicales qui couvrent des continents entiers, redonner à la vie sa diversité perdue, perte dont nous sommes, ne l'oublions pas, partiellement responsables.

L'effet de serre n'est pas une catastrophe à l'échelle planétaire, il est une bénédiction. Ce n'est qu'une catastrophe pour nous, pour notre civilisation, pour nos industries et notre économie, pour nos villes côtières qui seront submergées et détruites par la montée du niveau des océans due à la fonte des glaciers, pour notre agriculture et nos élevages qui seront détruits par les bouleversements climatiques. Et en bon cancer égocentrique que nous sommes, nous qualifions de catastrophe tout ce qui affecte négativement notre existence, sans tenir compte des effets sur les autres formes de vie avec lesquelles nous partageons la planète.

Je ne m'inquiète pas outre mesure pour notre espèce. Les humains, c'est comme de la vermine, comme les rats et les cafards. Tant qu'il en restera quelque part une poignée pour baiser et faire des petits, nous survivrons, même à l'anéantissement complet de notre civilisation. D'autres civilisations nous ont précédé et ont disparu, ce qui n'a jamais empêché les suivantes d'apparaître.

Alors vous avez le choix.

Effet de serre: la civilisation humaine telle que nous la connaissons disparaît, mais l'humanité elle-même survit et recommence à croître à la surface d'une planète qui a retrouvé toute sa gloire et sa diversité biologique d'autrefois.

Pas d'effet de serre: toute forme de vie, incluant la nôtre, disparaît à tout jamais de la surface de la terre.

Your move.


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