8 août 2003

Un rêve que j'ai fait il y a très longtemps m'est revenu en tête aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi.

J'étais dans un centre commercial. Tout à coup, j'ai entendu des coups de feu et tout le monde s'est mis à courir dans toutes les directions en hurlant. Je restais là, en bel imbécile, à me demander ce qui se passait. Quand la foule s'est dispersée devant moi, j'ai vu un homme avec un pistolet qui tirait au hasard sur les gens. Il y avait déjà plusieurs cadavres par terre. À la seconde où j'ai réalisé ce qui se passait l'homme s'est tourné vers moi, m'a regardé droit dans les yeux et a fait feu avant que je puisse réagir.

J'ai reçu la balle exactement entre les deux yeux. Drôle de sensation. Aucune douleur. Un bruit immense, comme si j'avais la tête au milieu d'une cloche d'église sur laquelle on venait de frapper à coup de masse. Puis, la sensation d'un liquide chaud qui me coulait abondamment le long du nez et de la bouche. J'ai perdu toute sensation dans mon corps, et je suis tombé à la renverse, comme une planche.

Le tireur, lui, n'avait fait ni une ni deux et continuait à tirer dans la foule qui continuait à crier et à courir dans tous les sens. L'écho de la cloche d'église s'estompait lentement, et je pouvais encore voir et entendre tout ce qui se passait autour de moi, mais je ne pouvais plus bouger et n'avait plus aucune sensation de mon corps.

Puis, quelque chose s'est passé.

J'ai eu l'impression de devenir une masse concentrée, une entité complètement contenue à l'intérieur de ce qui était autrefois ma tête. Je voyais à travers mes yeux comme au travers d'une fenêtre. Puis, je me suis mis à grandir, à prendre de l'expansion, à sortir de mon corps par mon crâne, pas comme un esprit ou un corps astral sort de son corps physique, mais plutôt comme un papillon qui sort de sa chrysalide. Au fur et à mesure que je m'élevais lentement et prenait de l'expansion, je voyais ce qui avait jadis été mon corps, et qui gisait inerte sur le sol, se recroqueviller comme une baudruche qui se dégonfle. Je sentais la vie recommencer à couler dans mes veines, à palpiter en moi.

Quand la "métamorphose" fut complétée, je me tenais debout, parfaitement conscient, parfaitement vivant. Au sol, une silhouette flétrie et recroquevillée, une coquille vide. Autour de moi, les coups de feu et le chaos continuaient. Lorsque le tireur m'avait regardé dans les yeux la première fois, son regard arrivait exactement à la hauteur du mien. Cette fois, je le dominais d'une hauteur de plus de trois mètres.

J'étais devenu autre chose.

Quoi, je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que j'étais parfaitement debout, et parfaitement vivant, empli d'une énergie et d'une puissance que je n'avais jamais ressenti auparavant.

Le tireur fou, qui continuait son carnage, s'est de nouveau tourné dans ma direction. Lorsque ses yeux se posèrent sur moi, il se figea instantanément. Puis son regard s'éleva lentement jusqu'à rencontrer le mien, à nouveau. Mais cette fois, sa réaction fut complètement différente.

Il tenait encore son arme dans sa main, mais comme on tient un objet quelconque, comme s'il savait que, subitement, elle était devenue complètement inutile. Puis, sur son visage figée par la stupéfaction, se dessina soudain la plus horrible, la plus abominable expression de terreur et d'épouvante qu'on puisse imaginer, au moment même ou sa bouche s'ouvrait pour laisser échapper un hurlement de terreur.

Et je me suis réveillé.

Cette expression d'épouvante sur son visage et ce cri à glacer le sang sont les deux choses de ce rêve dont je garde à ce jour le souvenir le plus net, le plus vif.

Toutes les fois qu'il m'arrive de repenser à ce rêve, comme aujourd'hui, la question qui me vient immédiatement à l'esprit est toujours la même:

Qu'est-ce qu'il a vu ?


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