1 avril 2003

La petite neige de la fin de semaine n'a pas réussi à affecter mon moral. Nous étions encore en mars, et je suis prêt à pardonner la neige si elle tombe en mars. Le printemps est bien là, les signes sont impossibles à ignorer. Que ce soit les corneilles de plus en plus bruyantes qui parcourent le ciel en transportant des brindilles dans leur bec, les autres oiseaux qui sont de plus en plus nombreux et variés, les journées qui rallongent à vue d'oeil, ces glaçons sucrés qui pendent au bout des rameaux d'arbres brisés et que je me plait à sucer, ou ces trois magnifiques chevreuils qui broutaient sur le bord de l'autoroute l'herbe récemment libérée de la neige, indifférents au trafic à côté d'eux.

Le printemps s'installe inexorablement. Et je me plait à me projeter dans l'avenir et à faire toutes sortes de projets pour cet été.

Le printemps revient, inlassablement, année après année. Il sera invariablement suivi de l'été, et il n'en tient qu'à moi de ne pas laisser filer ce précieux temps comme je l'ai fait l'an passé.

Je me sens bien ces temps-ci. Mais je me sens pourtant coupable de me sentir bien.

Mon père m'a appelé en fin de semaine pour m'annoncer le décès de ma marraine. Mon parrain lui-même, son mari, n'en a plus pour très longtemps. Il se meurt lentement d'un cancer.

C'est de la relative indifférence dans laquelle me plonge cette annonce dont je me sens coupable. Seules les "mauvaises personnes" restent indifférentes à la mort de leurs proches. C'est du moins toujours ce qu'on m'a appris. Pourtant, beaucoup de mes plus beaux souvenirs d'enfance sont reliés à mon parrain et à ma marraine, alors que nous allions passer plusieurs semaines par été à leur chalet. C'est là que j'ai découvert des activités comme la pêche, la randonnée, le ski nautique. C'est durant l'une de ces visites que j'ai vu mon premier caneton, que j'ai nourri mon premier écureuil, que j'ai caressé un cheval pour la première fois.

Il faut dire aussi que voilà plus de vingt ans que je n'avais pas vu ma marraine, en entendant très occasionnellement parler par ma mère. En fait, il y a très longtemps que j'ai coupé les ponts avec ma famille, à l'exception de ma famille immédiate, pour des raisons sur lesquelles je ne m'étendrai pas ici.

Je pourrais avoir des enfants d'âge adulte, et ma marraine ne les aurait jamais vu...

En fait, mes cousins ont des enfants que je n'ai jamais vu.

La famille, les proches, la vie, la mort... C'est bien compliqué toutes ces choses.

Trop compliqué pour moi.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]