5 juillet 2003

Drôle de rêve cette nuit.

Je pouvais devenir invisible. Ce n'était pas un pouvoir, c'était un truc que je portais. Je n'étais pas le seul. Il y avait une femme aussi, qui avait le même truc, et qui pouvait devenir invisible aussi. Mais ce n'était pas parfait. Si je bougeais on pouvait voir quelque chose, une sorte de silhouette fantomatique, si on regardait bien. Mais immobile, disons dans un coin d'une pièce ou personne ne se donnait la peine de regarder avec attention, on passait totalement inaperçu.

Le souvenir est très flou, comme c'est souvent le cas avec les rêves. Ce dont je me rappelle clairement, c'est la peur.

J'étais invisible au milieu d'un tas de gens qui m'auraient fait la peau à la seconde où ils auraient découvert ma présence. Je me rappelle de la peur. La peur qu'on entende ma respiration, ou le son de mes pas lorsque je m'écartais du chemin de quelqu'un qui se dirigeait droit sur moi. La peur que je bouge trop vite, au mauvais moment, alors que quelqu'un regardait droit dans ma direction et qu'il remarque quelque chose. La peur que mon bidule tombe subitement en panne.

Que feriez-vous, si vous n'aviez peur de rien ?

De quelle façon votre vie serait-elle différente ? Quelles choses feriez-vous que vous ne faites pas aujourd'hui ?

Seriez-vous un monstre ou un ange ?

Je peux déjà répondre partiellement à cette question.

Dans la nature, je serais exactement comme je suis actuellement. Parce que dans la nature, je n'ai déjà peur de rien. Une amie m'a déjà demandé comment je faisais pour ne pas avoir peur des animaux, particulièrement des ours, lorsque je partais seul en randonnée. Je lui ai répondu que dans la forêt, au Québec, la chose la plus dangereuse que je risque de rencontrer c'est un autre être humain. Combien de personnes ont été tué par des ours depuis les trente dernières années ? Deux ou trois. Alors qu'il ne se passe pas une année sans qu'on entende parler d'un accident de chasse ou un gars s'est tiré dans le pied par accident ou s'est fait descendre par un autre chasseur qui avait la gâchette trop facile et qui tirait avant même de savoir sur quoi il tirait.

Je n'ai pas peur dans la nature. Pas parce qu'on n'y trouve rien de dangereux, mais parce que, sauf exception d'une rareté extrême, on n'y trouve pas de fous.

Vous arrivez face à face avec un ours en plein milieu d'un sentier. Vous savez exactement ce qui se passe dans votre tête. Mais vous savez aussi exactement ce qui se passe dans sa tête: il a aussi peur que vous, mais il ne cherche pas le trouble, et comme vous, si l'opportunité lui est offerte d'éviter la confrontation, il sautera dessus. C'est ce que son langage non verbal vous dira. Et si votre langage non verbal lui dit la même chose, alors chacun continuera son chemin et il n'y aura pas de confrontation dans 99.9999999% des cas.

Et il en sera de même avec un loup, un chevreuil, un orignal, un puma, même une mouffette ou un écureuil.

Les animaux ne cherchent tout simplement pas les ennuis.

Mais les humains, oui. Pas tous, mais trop.

Que vous rencontriez un humain n'importe où, dans n'importe quelle circonstance, vous ne savez jamais sur quelle espèce de psychopathe complètement fou vous risquez de tomber.

Une femme se promène seule dans une ruelle sombre à trois heures du matin et elle court un très grand risque qu'il lui arrive malheur. Elle se promène en pleine forêt à la même heure, et selon toute probabilité, il ne lui arrivera absolument rien. Pourtant, elle aura une trouille bleue dans la forêt, alors qu'elle n'y pensera probablement pas, ou très peu, dans la ruelle sombre.

Lorsque je fais le bilan de mes peurs, je réalise que, pratiquement sans exception, elle ont toutes comme cause, à l'origine, un ou des êtres humains.


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