24 août 2004

Note: Transcription intégrale de mon texte écrit sur papier.

Je n'aurais jamais cru que de si petites bêtes puissent faire autant de bruit. Elles se servent de tout, absolument tout, pour se faufiler dans tous les recoins. Chaque fois qu'elles utilisaient les conduites de gaz pour se déplacer, leurs pas amplifiés raisonnaient dans tout le chalet. J'ai eu beaucoup de difficulté à trouver le sommeil, non seulement à cause de leurs grattements incessants, mais aussi parce que je n'arrivais pas à faire taire mon insatiable curiosité qui m'obligeait à allumer ma lampe frontale pour vérifier qu'il ne s'agissait effectivement que de simples souris, incrédule à l'idée que de si petits rongeurs puissent faire un tapage pareil. La lumière de ma torche ne semblait pas les déranger outre mesure d'ailleurs. J'ai pu en observer une pendant un bon quinze minutes alors qu'elle faisait la navette entre le poêle à bois et le réchaud au propane.

Je n'ai finalement réussi à trouver le sommeil que lorsque je me suis obligé à me les sortir complètement de la tête.

Ce matin, à mon réveil, il faisait un froid glacial. Heureusement que je suis bien équipé en terme de sac de couchage et que j'avais eu la présence d'esprit de m'apporter une couverture en plus. Même en ce moment, il est près de 14h et le thermomètre à l'extérieur du chalet n'indique qu'un maigre 15 degrés. Par contre, le soleil darde de tous ses rayons dans un ciel complètement bleu d'un horizon à l'autre, ce qui m'a quand même permis de me faire bronzer pendant quelques heures cet avant-midi.

Alors, comment se passe cette petite expérience de solitude en pleine nature ? Plutôt mal, je dois l'admettre. Dès mon réveil ce matin, j'angoissais à l'idée de passer une journée complète ici. Ce n'est pas la solitude à proprement parler qui me dérange. J'ai déjà fait des escapades semblables par le passé. Non, je crois que c'est plutôt le fait que je doive passer trois jours sans mes béquilles, sans ces choses qui m'occupent et me font oublier que, encore et toujours, il y a "quelque chose" qui manque à ma vie, et que cette absence entache, corrompt, amenuise, affadit tout ce que je touche, tout ce que je fais, toutes les activités qui m'intéressent (et elles sont nombreuses) mais dont je ne peux jamais vraiment jouir parce que, encore et toujours, ce "vide" se fait toujours sentir.

J'en ai marre de toutes ces questions. Des fois, j'envie tous ces gens qui n'ont qu'une seule et unique passion dévorante qui les consume complètement. Vous savez de qui je parle: Ces pêcheurs, chasseurs, golfeurs invétérés, rats de bibliothèque; ces passionnés de plongée sous-marine, kayak de mer ou saut en parachute. Ces gens qui ne se posent jamais des questions comme "Que vais-je faire de ma journée aujourd'hui ?" ou "Est-ce que je vis vraiment la vie que j'ai envi de vivre ?", ou encore "Ma vie a-t-elle un sens ?".

C'est dans des moments comme maintenant que j'aurais presque envi de ne plus être le mutant que je suis, d'être moi aussi un de ces drones connectés à la matrice qui vivent une vie moyenne, ont un emploi moyen avec un salaire moyen, se sont mariés à un âge moyen avec une épouse moyenne et ont eu leurs 1,8 enfants. La vie n'est jamais compliquée pour eux, et toute la société actuelle est parfaitement conçue pour satisfaire leurs besoins moyens. Jamais de questionnements, jamais de remises en questions, jamais d'angoisse. Seulement leur petite vie parfaite qui recommence chaque matin dès leur réveil, avec près d'eux leur petite épouse parfaite.


Je vais un peu mieux que lorsque j'ai écris les dernières lignes. J'ai pris la peine de m'asseoir sur la véranda et de ne rien faire, absolument rien faire. Seulement penser et écouter les milliers de sons qui m'entoure. Tout n'a pas besoin d'avoir toujours un sens ou un but.

Honnêtement, je ne restais pas assis très longtemps. Presque à toutes les minutes une opportunité s'offrait de faire une photo intéressante, ou d'aller observer un phénomène quelconque. La nature est tellement riche de mille choses, même dans un environnement semi aménagé comme ce chalet. Et puis ce silence de fond, cette absence de bruits lointain nous permet de percevoir tellement plus. Surtout différents bourdonnements d'une multitude d'insectes, mais aussi des chants d'oiseaux, des bruissements dans les feuilles, des petits mammifères qui se pourchassent ou viennent simplement faire un tour dans les parages.

Je vais aller passer quelque temps sur le bord du lac, tiens. Avec un peu de chance, avec ce temps calme et ce soleil baissant sur l'horizon, aurai-je la chance de voir sortir du bois un orignal qui viendra se repaître des herbes aquatiques dans le lac juste en face.


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