23 octobre 2004

Je me demande pourquoi je déteste autant les clous. Autant que faire se peut, j'essais toujours d'éviter de les utiliser. Je pense beaucoup à mon projet de camp rustique ces temps-ci, et dans les plans que je me fais dans ma tête, il n'y a que vis ou boulons. Aucun clou.

Parlons-en de mon camp rustique. Depuis que je me suis mis cette idée en tête, beaucoup de choses se bousculent en moi. De vieilles angoisses, des idées noires tentent de faire surface. Ce sera loin là-bas, très loin, loin de tout. Est-ce ce que je veux vraiment ? Réussirai-je à m'habituer à la rusticité de la vie ? Serai-je capable de vivre ainsi complètement seul ? Et s'il m'arrivait quelque chose ?

Il s'agit du même genre d'angoisses qui resurgissent tout le temps chaque fois que je fais un nouveau projet, chaque fois que je cherche à briser ma routine, à secouer cette inertie qui immobilise mon existence. J'ai vécu les mêmes questionnements lorsque j'ai entrepris la construction de mon sauna. Pourtant, quand je le regarde aujourd'hui, je me demande comment j'ai pu angoisser pour quelque chose d'aussi trivial.

Je suis tout simplement de nature anxieuse. Je fais une montagne dès qu'il est temps de prendre une décision qui brisera ma routine, cette familière et rassurante routine. J'ai toujours été ainsi, depuis ma plus tendre enfance. Voilà pourquoi j'ai toujours vécu ma vie au ralenti, pourquoi j'ai toujours tout fait plus tard que les autres, si je l'ai fait.

Il est temps que ça finisse. Je ne peux changer ce que je suis, mais je suis le seul artisan de ce que je fais. Je dois faire abstraction de cette peur. Je sais, que je peux réaliser mes projets. Il ne me reste plus qu'à faire le premier pas.

Faire la paix avec la solitude. Même si je suis seul depuis des années, je n'ai jamais vraiment appris à vivre avec la solitude, je me suis habitué à vivre avec elle. Je suis seul ici, pourtant chaque fois qu'il est question de faire une activité seul, de partir en voyage seul, je me rebiffe et je préfère rester ici. Pourtant, il faut voir les choses en face: je ne suis pas moins seul ici qu'ailleurs. Alors quelle différence cela ferait-il que je parte en voyage ou fasse mes activités seul ? C'est qu'ici, je vis dans un sanctuaire, dans un petit environnement familier et sécurisant, et cette sensation de sécurité me rend la solitude tolérable.

Cela revient à ce que je disais. Je ne vis pas avec la solitude, je la tolère. Et pas toujours, et pas en toutes circonstances.

J'aurais quelque chose d'intéressant à aller visiter. Des terrains mis en disponibilité au premier requérant. Même pas de tirage au sort. Premier arrivé, premier servi. Une série de petits lacs, avec un seul terrain par lac. Mon rêve. Mais c'est loin. Très loin. Mais n'est-ce pas exactement ce que je recherche ? Trois heures de routes asphaltés, suivies d'au moins six heures dans les chemins forestiers. La fin de semaine prochaine serait le moment idéal pour aller faire du repérage. Une journée pour me rendre, une journée d'exploration, et je prendrais congé lundi, la journée où je reviendrais. Si j'attend encore, ce sera la neige qui m'empêchera d'y aller et je devrai attendre au printemps prochain. Naturellement, j'ai tendance à voir cette expédition pire qu'elle ne l'est, alors que j'ai fait bien pire quand je suis allé dans les monts Groulx. Je n'ai besoin que de mon équipement de camping, d'une carte topographique, d'une carte des chemins forestiers, d'un GPS (il est hors de question que je m'aventure dans ce labyrinthe de chemins sans un GPS) et d'un gros bidon d'essence supplémentaire. Trivial tout ça. Alors faisons fi de l'angoisse et allons-y, une fois pour toute. Ce n'est ni la distance, ni l'inconnu, ni le froid qui m'empêcheront d'y aller. Pour ce qui est de ce dernier, au pire, je dormirai dans la voiture que j'aurai préalablement fait chauffer.

Et puis il y a longtemps que j'avais le goût d'aller explorer cette région particulièrement éloignée du Québec. C'est le moment ou jamais.


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