19 septembre 2004

Le froid.

C'est le froid qui est mon ennemi juré.

J'ai eu cette révélation terrifiante cette semaine. Je me disais que je n'avais toujours pas terminé la céramique dans le coin douche de mon sauna, et j'essayais de comprendre pourquoi je procrastinais à ce point. Et je n'ai compris que lorsque j'ai imaginé que si cette douche était au rez de chaussé, je me lèverais de mon fauteuil et j'irais y travailler sur le champs. Qu'est-ce qui me fait donc hésiter à descendre au sous-sol ? La même chose qui me faisait hésiter à y descendre pour travailler sur mon sauna, ou pour travailler dans ma chambre noire, ou pour y faire du ménage:

Le froid.

Tant de choses s'éclaircissent maintenant. Pourquoi suis-je donc si difficile à extraire de ma chaise de bureau, que ce soit pour arroser mes plantes, faire la cuisine, ou toute autre tâche ? Je croyais que j'étais accroc de mon ordinateur, même si je passe souvent par des périodes où je suis complètement blasé de cette foutue machine et que je reste simplement assis là, à regarder cet écran sur lequel il ne se passe plus rien. L'explication ? Encore le froid. Je suis toujours pieds nus chez moi, et mon plancher est froid. Et le plancher de céramique de ma cuisine l'est encore plus. Assis sur ma chaise, les jambes croisées, j'ai les pieds bien au chaud sous les replis de ma robe de chambre.

C'est le froid qui m'arrête aussi de faire des activités de plein air en hiver, qui me fait procrastiner le matin avant de partir au travail. J'ai toujours su que je détestais le froid, ce n'est un secret pour personne. Mais je n'avais jamais réalisé à quel point cette haine était si profondément enracinée en moi, jusqu'à un niveau subconscient, et à quel point son impact sur ma vie était grand.

Je déteste le froid avec passion, si je puis m'exprimer ainsi. Lorsqu'on me passe le commentaire pour la millième fois que je n'ai qu'à m'habiller davantage, ça m'enrage encore plus que la fois précédente, parce que cela ne fait que me confirmer davantage à quel point les gens ne comprennent absolument rien à cette haine. Lorsque je sors l'hiver, je m'habille toujours pour ne pas avoir froid. Je ne suis pas fou, quand même. Ce n'est pas avoir froid que je déteste. C'est le froid lui-même, la sensation du froid sur ma peau, sur mes yeux, dans mes poumons. À moins de porter une combinaison spatiale, lorsqu'on sort l'hiver, même habillé pour une expédition polaire, on sent toujours le contact de l'air froid sur les parties exposées de son corps, comme je sens le froid du plancher sur mes pieds lorsque je me lève de cette chaise. Même une maison bien isolée et bien chauffée reste truffée de petits coins où le froid se cache, se replis, se tapis dans l'ombre: un plancher de céramique, une prise de courant près d'un mur extérieur, un robinet d'évier, le fond de la baignoire, une grande fenêtre, le robinet de l'évier...

Je déteste le froid. Je déteste la sensation du froid sur ma peau. Je déteste toucher une surface froide avec n'importe quelle partie de mon corps, sentir un vent froid sur mon visage, me coucher dans des couvertures froides la nuit. Cette haine est si viscéralement et profondément ancrée en moi qu'elle ne peut s'expliquer que par une expérience traumatisante durant mon enfance. Il faudra que j'en parle à ma mère.

Et le pire dans tout ça, c'est que j'ai le projet de changer de mode de vie dans les prochaines années, de me dénicher un coin tranquille en montagne quelque part, loin de toute civilisation, et de vivre le reste de mes années dans une petite cabane rustique près d'un lac sauvage. Il va sans dire que, dans de telles conditions, je serai encore plus souvent exposé au froid que maintenant. D'une façon ou d'une autre, il faudra que j'aie fait la paix avec ma profonde aversion pour le froid d'ici là.

En attendant, il y a toujours mon sauna, la plus belle chose que je me sois offerte depuis bien des années.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]