26 août 2006

La psychologie moderne nous dit que nos comportements et nos choix actuels sont déterminés, ou à tout le moins grandement influencés, par nos expériences passées. Je sais, je simplifie à l'extrême.

Par exemple, une femme qui a souffert d'un manque d'affection et d'attention de la part d'un père absent ou distant aura tendance à entrer à répétition en relation avec des hommes semblables, c'est à dire froid ou distant, de façon à tenter de "réussir" avec eux ce qu'elle considère comme l'échec de sa relation avec son père.

Autre exemple: une personne avec laquelle ses parents auront insisté à l'extrême sur l'importance du sens des responsabilités aura tendance, selon sa personnalité de base, à développer de façon obsessionnelle ce sens des responsabilité ou, au contraire, à développer une aversion quasi viscérale pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à un engagement, une obligation ou un devoir.

Théoriquement, toujours selon la psychologie moderne, nous avons tous des "problèmes" semblables à régler, et pouvons tous théoriquement bénéficier d'une thérapie qui nous permettrait de prendre conscience de toutes ces "bibittes" intérieures, et ce, même si nous nous considérons comme heureux et fonctionnons très bien en société.

Reprenons l'exemple de la femme plus haut. Théoriquement, si cette femme va en thérapie et que cette thérapie est un succès, elle cessera alors de jeter son dévolu toujours sur le même type d'homme et commencera enfin à rechercher... quoi, au juste ?

Avons-nous tous un seul problème à régler ? Bien sûr que non. Il serait plus réaliste de dire que nous avons tous une série de problèmes, ayant des influences inégales sur nos vie. La femme dont nous parlons baserait son choix de conjoint "surtout" sur son problème relationnel avec son père, mais aussi "un peu" sur une série d'autres petits "problèmes", d'influence progressivement moindre.

Ainsi, une fois son problème avec son père "réglé", elle baserait désormais son choix de conjoint principalement en fonction du "problème" qui avait la deuxième plus grande influence sur son inconscient, après celui de sa relation avec son père. Et si ce problème était "réglé" à son tour, alors elle serait influencée par son troisième "problème" en importance, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle trouve un conjoint avec lequel elle se sent bien et heureuse, et qu'elle cesse d'aller en thérapie.

Mais cela veut-il dire que tous ses "problèmes" sont réglés ? Après tout, le quatrième, ou cinquième, ou sixième problème qui influence maintenant son choix de partenaire est-il fondamentalement différent, quand à sa nature et à son origine, de ceux qu'elle a cherché à régler en suivant une thérapie ?

- Bien sûr que oui, Laqk, voyons donc ! C'est ça la définition d'un problème ! Si ça ne te cause plus de problème (i.e. elle est maintenant heureuse en couple), alors c'est plus un problème !

Donc, ce que vous me dites, c'est qu'à partir du moment où une personne a réglé tous les petits détails de son inconscient qui la rendait malheureuse, ses problèmes sont réglés et elle peut maintenant être considérée comme "saine d'esprit" ?

- T'as tout compris Laqk !

Et bien vous serez sans doute heureux d'apprendre que la psychologie moderne est d'accord avec vous. Aucune tendance naturelle, aucun comportement, aucun trait de personnalité n'est fondamentalement "bon" ou "mauvais". Ils sont simplement "désirables" ou "indésirables". Prenons encore la demoiselle ci-haut, réglons lui tous ces problèmes jusqu'à ce qu'elle soit heureuse, et ensuite parachutons la dans un pays étranger ou à une époque complètement différente, et il est tout à fait possible qu'elle soit à nouveau malheureuse et incapable de s'ajuster à la société dans laquelle elle se trouvera, et ce, sans que rien ne soit changé en elle. Pire, certains des "problèmes" que nous avons précédemment "réglé" par la thérapie auraient pu possiblement lui être d'une aide précieuse dans sa nouvelle existence.

Bref, quand nous allons en thérapie, c'est parce que nous sommes malheureux. C'est pour se débarrasser de choses qui nous empêchent de nous épanouir dans la société dans laquelle nous vivons. Et lorsque nous sommes heureux, nous cessons la thérapie.

Mais qu'arriverait-il si on continuait ?

Si on continuait à "régler" ces choses dans notre inconscient, une après l'autre, parce qu'après tout, il n'y a pas de différence fondamentale entre ces choses; le fait que certaines nous rendent malheureux et d'autres non est purement subjectif, défini uniquement en fonction des moeurs et des valeurs de la société dans laquelle nous vivons. Donc, si on continuait à les régler, une à une. À la fin, que resterait-il ? Ne serions-nous plus qu'une coquille vide, débarrassée des influences de toutes les expériences qui font de nous ce que nous sommes ? Que resterait-il de nous ? Serions-nous encore "nous" ?

Et le fait d'avoir été en thérapie pour "régler" certains de ces problèmes qui nous rendaient malheureux n'est-il pas, d'une certaine façon, une mort partielle ? D'autant plus que dans une société différente, ces problèmes n'auraient peut-être pas eu à être "réglés".

Et si cette société même à laquelle nous cherchons à nous adapter, pour laquelle nous sommes prêt à altérer fondamentalement, et peut-être définitivement, l'essence même de ce que nous sommes pour pouvoir y fonctionner de façon harmonieuse, si cette société donc était fondamentalement "malsaine", à savoir, condamnée, de par sa nature même, à l'autodestruction ?

Ne serait-il pas "mal" de chercher à s'y adapter, de chercher à s'y épanouir et à y être "heureux", grossissant ainsi les rangs de la masse qui la pousse inexorablement vers le précipice ?


[jour précédent] [retour] [jour suivant]