9 avril 2006

Il ne se passe pratiquement pas une journée au travail ces temps-ci sans que je me fasse demander si j'ai finalement trouvé mon terrain. Ma réponse est toujours non.

Bien sûr, ce que je cherche n'est pas facile à trouver. Mais avouons-le, je ne cherche peut-être pas aussi assidument que je le pourrais. La raison en est simple: Je ne sais pas encore exactement ce que je cherche.

En fait, je suis tiraillé entre deux options, et je n'arrive pas à me décider. L'histoire de ma vie, quoi.

À l'origine, quand ce projet a germé dans ma tête, que recherchais-je exactement ? Pas tant un endroit où je pourrais fuir l'humanité, mais plutôt un endroit où je pourrais fuir la civilisation. Un grand terrain entouré d'arbres, sans voisins, où je pourrais vivre nu comme bon me semble et faire tous les aménagements que je désire sans être continuellement soumis aux regards scrutateurs de voisins curieux, et sans entendre leurs tondeuses, scies à chaîne et souffleuses à feuille. Un endroit où, de jour, je pourrais flâner, m'occuper de menuiserie, faire de la photo où explorer mon plan d'eau avec peu ou pas de risque de tomber sur quelqu'un d'autre, et de nuit, écouter le silence absolu, si absolu que je pourrais entendre le sang circuler dans mes veines, et regarder un océan d'étoiles dans un ciel pur et non corrompu par l'éclairage urbain.

Ce qui correspondrait parfaitement à cela, ce serait un terrain mis en disponibilité par le gouvernement dans les terres publiques, le plus loin possible des centres urbains.

Puis, je me suis mis à penser aux inconvénients de ce genre de terrain: sécurité, nécessité d'entretenir par moi-même en hiver le chemin d'accès entre mon terrain et le chemin forestier le plus proche, mais surtout isolement. Ce même isolement, qui est exactement ce que je recherche, aurait fort probablement comme conséquence de créer un coupure finale et définitive avec le peu de gens auxquels j'aurais encore envie de faire une place dans ma vie, et avec lesquels j'aurais eu le goût de partager cet environnement de vie paradisiaque. Comme je l'ai dit souvent, la plus grande partie du plaisir que je ressens à faire ou profiter de quelque chose est de le partager avec quelqu'un qui en retire autant de satisfaction que moi.

Alors je me suis mis à envisager une autre possibilité: Rechercher un terrain beaucoup plus proche, mais quand même relativement isolé, à une heure ou deux de mon lieux de résidence actuelle, facile d'accès, où mes amis pourraient facilement me visiter pour une fin de semaine ou même pour une seule journée. Et alors, je me suis mis à penser aux inconvénients d'un tel choix: Nécessité de dépenser fort probablement plusieurs milliers de dollars pour acquérir un tel terrain, difficulté d'en trouver un avec un plan d'eau privé, proximité de d'autres terrains aux alentours, avec tous les vas-et-vient et les sons qui vont avec, présence de sentiers de véhicules tout terrain et de motoneiges à proximité avec tous les inconvénients que cela suppose, et plus généralement, absence de cette impression d'isolement et d'éloignement de la civilisation, qui est la raison de base pour laquelle je veux me trouver un tel environnement.

Donc, n'ayant pas encore pris une décision, ne sachant pas encore vraiment ce que je veux, je cherche de façon dispersée et inefficace, changeant d'idée comme une girouette, cherchant un certain type de terrain certains jours et un autre type d'autres jours, trouvant toujours quelque chose qui cloche à tout ce que je trouve, que ce soit dans une catégorie ou dans une autre.

Une chose est sûre cependant: Tôt ou tard, je vais devoir prendre une décision. Et il y a intérêt à ce que ce soit plutôt tôt que tard. Parce que les choses ne sont pas au beau fixe avec mon nouveau patron et ma nouvelle équipe, et rien ne me laisse croire qu'elles vont aller en s'améliorant, bien au contraire. Il y a des différences fondamentales de philosophie et de valeurs entre eux et moi, différences qui ont toujours été source de conflits et de friction pendant presque toute ma carrière. Sauf que maintenant que je travaille pour eux, nous ne pouvons tout simplement plus faire abstraction de ces différences et faire nos affaires chacun de notre côté comme nous le faisions avant. Mais je crains, malheureusement, que ces différences soient irréconciliables, et que ma santé mentale et physique ne puisse pas supporter six autres années dans ces conditions. Aussi, je devrai bientôt prendre une décision: Quitter mon emploi actuel, laissant derrière moi vingt-et-unes années de carrière, d'accomplissements et de relations professionnelles où j'ai finalement réussi à m'épanouir et à me sentir à ma place, et recommencer à zéro ailleurs, mais pour six ans seulement; où alors endurer encore un an ou peut-être deux, au grand maximum, et quitter définitivement mon emploi et le monde du travail en général et prendre une retraite encore plus anticipée, avec tous les inconvénients que cela implique: obligation de précipiter les travaux de construction de mon chalet et de rénovation de ma maison, car dans ces circonstances je ne pourrai vraiment pas me passer des revenus de location qu'elle me procurera, vu que j'en aurai encore pour plusieurs années à liquider mon hypothèque, et que je devrai transférer toutes mes contributions à mes régimes de retraites collectifs dans mon régime privé, disant adieu par le fait même à la part de contribution du gouvernement à ce régime, ce qui réduira significativement mon revenu pour les années à venir.

Voilà donc où j'en suis actuellement. Je suis bien conscient que je me plains d'une situation financière que plusieurs m'envieraient (à savoir, la capacité de quitter le milieu du travail au milieu de la quarantaine), mais d'un autre côté, peu d'entre eux se satisferaient d'un niveau de vie aussi bas que le mien, donc peu d'entre eux auraient réussi à se retrouver dans une situation aussi enviable. Quoi qu'il en soit, dans au plus quelques mois, j'aurai à prendre une décision qui déterminera comment je vivrai la deuxième moitié de ma vie.

Dans quelques mois, je serai en vacance pour tout l'été, encore cette année. Je laisserai ces longues vacances me calmer les nerfs et me replacer les idées. Et c'est la tête reposée que l'automne prochain, à mon retour au travail, je devrai prendre une décision.


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