24 janvier 2006

J'ai encore compris quelque chose aujourd'hui. Et oui. Mais où cela va-t-il s'arrêter ? Et surtout, quand est-ce que ce flot ininterrompu de révélations finira-t-il par aboutir à un changement concret dans ma vie ?

Mais je digresse.

Je passe mes soirées et mes fins de semaines seul, ici, chez moi. Une fin de semaine typique, pour moi, c'est de quitter le bureau le vendredi soir en saluant mes collègues, de peut-être arrêter faire quelques courses en chemin, puis de rentrer chez moi. Puis, le lundi matin, je rentre au bureau en saluant mes collègues, et ma semaine de travail recommence. Typiquement, entre ces deux moments, je ne prononcerai pas un seul mot. Je n'ai tout simplement personne à qui parler.

J'occuperai cette longue période de silence avec diverses activités. L'une d'entre elle est de me promener sur l'Internet et de visiter des sites de voyages, d'expéditions, d'expériences diverses de gens qui ont vécus différentes aventures. Mes signets sont pleins de ce genre de sites. Je regarde ces sites et je rêve de paysages, de lieux, d'endroits que j'aspire à visiter et explorer depuis bien longtemps.

Mais je ne le fais pas. J'ai maintenant quarante-quatre ans. Et à date, au total, je n'ai peut-être fait moins qu'une dizaine de ces voyages dont je rêve. Et pour expliquer cela, toutes les explications peuvent être mises sur la table: pas assez d'argent, tout seul pour voyager, pas le temps de voyager, d'autres projets, peur de voyager, de briser ma routine, etc.

Aucune de ces explications ne tient vraiment la route, même la dernière, la plus classique et la plus fréquente chez les personnes qui, comme moi, mettent indéfiniment leurs projets en veilleuse: la peur de briser la routine, la peur de l'inconnu, la peur de perdre la sécurité du familier.

D'où la révélation dont je parle au début de ce billet. Vous vous en doutez sans doute, c'est bien la peur qui nourrit mon inertie. Mais pas de la façon que vous pensez.

J'ai énormément idéalisé tout ce que je n'ai pas dans ma vie: amitiés, amours, voyages. Lorsque je reste chez moi et que je pense à ces choses, mon imagination n'a plus de limites. Je rêve, je fantasme, je trippe en pensant au jour où je les vivrai vraiment. Mais qu'en sera-t-il lorsque les choses arriveront réellement ?

Ce n'est pas de réaliser mes rêves que j'ai peur. Ce dont j'ai peur, c'est que la réalité ne soit pas à la hauteur de ces rêves. C'est d'avoir la certitude de quelque chose que je crains par dessus tout: que la réalité me déçoive toujours, et que toutes ces choses auxquelles j'aspire et qui sont ma raison d'être, ma raison de vivre, se révèlent fades et sans saveur. Et que du jour au lendemain, je passe de l'espoir d'être enfin heureux un jour à la certitude que je ne le serai jamais.

Alors je préfère fuir. Fuir la réalité. La retarder le plus possible. La retarder si possible jusqu'à la fin de ma vie, et me contenter de l'espoir et de l'embryon de bonheur qu'il procure, plutôt que de risquer la certitude que, pour moi, le bonheur est impossible, et de me retrouver devant le vide, le néant, l'insupportable éventualité que le reste de ma vie ne sera que malheur et désespoir.

Et ce faisant, je me rend coupable du comportement que je méprise par dessus tout: s'enterrer la tête dans le sable, refuser de voir une certitude que je connais déjà, choisir l'ignorance.

Pas facile pour l'amour propre ça. Une autre chose qui s'explique. Voilà. Tout est clair maintenant. Limpide. Toutes les pièces du puzzle tombent en place.

Alors entre deux maux, je choisis le moindre. Je choisis de rester ici, chez moi, seul. Je choisis de passer mes soirées et mes fins de semaines ici, à faire mes petites choses. Ou à regarder la télé. Ou à passer du temps sur l'Internet, à parcourir les sites de tous ces endroits que je rêve de visiter, et à jouir de la certitude du petit bonheur que cela me procure, plutôt que de prendre le risque de découvrir soit le grand bonheur, soit le néant.


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